contemporaine gagne à être écrite par la plume des diplomates. Non-seulement ils discernent mieux que personne la cause secrète des événemens, mais quand ils ont l’amour et le génie de leur métier, ils acquièrent par la pratique assidue des hommes et des choses ce dégagement, cette sérénité d’esprit qui est la première qualité de l’historien. Tous ceux qui ont lu les ouvrages de M. Rothan, auxquels n’a manqué aucun genre de succès, ont admiré la sagacité et la haute raison dont il a fait preuve en racontant les origines de la guerre de 1870 et l’histoire aussi mélancolique qu’instructive de nos illusions et de nos déconvenues. Son nouveau livre ne le cède point en intérêt aux précédens. Les vicissitudes de sa carrière lui avaient fourni l’occasion d’étudier tour à tour l’Allemagne et l’Italie. En 1864, il était premier secrétaire de notre légation à Turin. Au mois de décembre 1870, la délégation de Tours le chargea d’une mission extraordinaire à Florence. La convention du 15 septembre avait été brusquement déchirée, l’empire venait de s’écrouler, Paris était assiégé. Cet envoyé extraordinaire avait pour mission de solliciter, faute de mieux, l’assistance morale et diplomatique du cabinet italien. Bien qu’il désespérât de rien obtenir, il ne se lassait pas de demander. Si cruelle que fût sa situation, si profondes que fussent les blessures de son cœur de Français et d’Alsacien, il dévorait ses chagrins et conserva jusqu’au bout toute la liberté de son jugement. Les dépêches qu’il adressa au gouvernement de la défense nationale, du 1er janvier au 15 avril 1871, tout honneur à sa clairvoyance comme à son patriotisme. On se convaincra facilement en les lisant, que, si nous n’avons pas eu à nous louer des Italiens, nous avons eu tort d’attendre d’eux plus qu’ils n’entendaient et ne pouvaient nous donner.
Le maréchal Niel avait dit plus d’une fois à l’empereur : « N’exposez jamais la France à un conflit sous aucun prétexte sans de solides alliances. » Comme l’a démontré M. Rothan dans une remarquable introduction, il ne tenait qu’à Napoléon III de se procurer des alliés, mais il fallait s’y prendre à temps, et Napoléon III était tour à tour l’homme des brusques décisions et des ajournemens imprudens ? quand il ne faisait pas des coups de tête, il aimait à temporiser sans rien conclure. La mort tragique de l’empereur Maximilien lui avait servi de prétexte pour conférer à Salzbourg avec l’empereur François-Joseph. L’Autriche se souciait peu de s’engager avec la France seule, elle voulait que les Italiens fussent de la partie, elle tenait à se garantir contre les revendications des irrédentistes. Par les bons offices de Napoléon III, la cour de Vienne se réconcilia avec la cour de Florence, et les deux gouvernemens se promirent de ne rien entreprendre sans s’être prévenus. « La France inquiète, isolée, trouvait deux puissances prêtes à se concerter avec elle sur les éventualités menaçantes de