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disent-ils, l’administration suppose que nous allons chercher aux moulins de Corbeil nos meilleurs produits. C’est une erreur. Nous traitons-mieux nos cliens, qui deviennent de plus en plus exigeans : il n’y a pas de pain assez blanc pour eux. Aujourd’hui, nous faisons nos mélanges avec un tiers de farine à 50 francs le sac, un tiers de farine de Corbeil ou équivalente, un tiers valant 2 ou 3 francs de moins que le prix de Corbeil. La moyenne serait d’environ 48 francs. Les boulangers ajoutent que ce prix moyen leur est toujours imposé quand ils ont peu de crédit. Il parait notamment qu’au prix de la farine dite stock des neuf marques, il faut toujours ajouter 1 franc par sac, les acheteurs étant obligés soit d’acheter, de grandes quantités à la fois, soit de s’adresser à des intermédiaires.

En tous cas, personne ne soutient même parmi les intéressés que la moyenne excède 48 francs. S’il fallait trancher par la moitié le différend entre eux et l’administration, on pourrait la fixer entre 46 et 47 francs. Or, en 1860, d’après Le Play[1], le sac de farine se vendait 55 francs, et le pain de 4 livres était vendu 0 fr. 69 c. 16[2]. On voit la différence. Que répondent nos boulangers ? D’abord, que leurs confrères, en 1860, vivaient mal. Ensuite, que les frais de panification n’ont pas cessé d’augmenter. Pour le rendement de cent deux pains par sac, ils ne font plus d’objections. Depuis M. Delavau, M. Dumas et M. Payen sont venus affirmer, en 1858, qu’on pouvait obtenir ordinairement 130 kilogrammes de pain pour 100 de farine, ce qui revient exactement au même. Mais le total des frais devient exorbitant. Nous avons parlé, à propos de l’usine Scipion, du salaire des ouvriers. Le gindre, qu’on paie au moins 7 francs par jour, se contentait autrefois de 4 ou 5 francs. Le loyer est devenu très cher. L’usage de livrer le pain à domicile oblige à des frais de transport.. Il faut payer l’eau, le gaz, la patente, tenir compte de l’intérêt du capital engagé dans l’achat du fonds. Enfin, de nombreuses maisons nouvelles se sont créées depuis 1863 ; la moyenne de la cuisson journalière est descendue de quatre sacs à deux sacs de farine, et les frais généraux se répartissent sur un plus petit chiffre d’affaires.

Certains boulangers estiment jusqu’à 27 fr. 40 par sac les frais de panification. M. Piperaud[3] leur fait observer avec à propos que, s’ils achetaient le sac de farine 48 francs et dépensaient 27 fr. 40 par sac, ce qui donnerait au total 75 fr. 40, ils se ruineraient, même sans la taxe, car 102 pains à 0 fr. 70 ne rapportent que 71 fr. 40.

  1. Rapport, p. 83, 84.
  2. Rapport de M. Piperaud, p. 20.
  3. Ibid., p. 6.