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au prix moyen des quatre mois précédens ; mais il devait baisser d’un dixième au premier juin, d’un vingtième au premier juillet, d’un trentième au premier août, d’un quarantième au premier septembre. Le délit de vente au-dessus de ce cours fictif était puni par la confiscation des marchandises, et par une amende de trois cents à mille livres. Une nouvelle carrière était offerte aux gens sans emploi : celle de dénonciateur. Ils avaient droit à une récompense de mille livres, prises sur les biens de celui qu’ils avaient trahi.

Le 26 juillet 1793, le crime de l’accaparement était défini. Ce crime consistait « à retirer de la circulation, et à enfermer dans un lieu quelconque, sans les mettre en vente journellement et publiquement, les marchandises de première nécessité. » Quelle sont ces marchandises ? Le décret nous l’apprend : ce sont le pain, la viande, les grains, les farines, les légumes, les fruits, le beurre, le vinaigre, le cidre, l’eau-de-vie, le charbon, le suif, le bois, l’huile, la soude, le savon, les sels, les viandes et poissons secs, fumés, salés ou marines, le miel, le sucre, le chanvre, le papier, les laines ouvrées ou non ouvrées, les cuirs, le fer et l’acier, le cuivre, les draps, la toile et généralement toutes les étoffes, ainsi que les matières premières servant à leur fabrication, les soieries exceptées. Les termes de la loi étaient, on le voit, assez larges. A moins de vendre des soieries ou des bijoux, on pouvait être déclaré accapareur à propos de tous les genres de commerce : accapareur, même quand on n’était coupable que de prévoyance et d’économie. Le châtiment était la mort. Les biens confisqués étaient attribués, un tiers à la république, un tiers aux citoyens indigens ; enfin, par une clause odieuse, un tiers au dénonciateur.

Par le décret du 11 septembre 1793, il fut interdit de vendre le blé ailleurs qu’aux marchés ; interdit de le transporter sans permission et sans avoir déposé à la mairie une caution d’égale valeur ; ordonné de déclarer ce qu’on possède, de subir les visites domiciliaires et les inventaires, de satisfaire à toutes les réquisitions de l’autorité. Le tout sous peine d’amendes, de prison, de confiscation des grains, des voitures, des chevaux. Et toujours une bonne part des dépouilles est réservée au dénonciateur. Los serviteurs sont incités à trahir leur maître : si le dénonciateur est le charretier, il aura la totalité de l’amende et des objets confisqués. Un meunier surpris à faire le commerce des grains ou farines est puni de dix ans de fers. Les boulangers de Paris seront approvisionnés par réquisition ; et, dès lors, ils n’ont plus le droit d’acheter au marché une livre de farine : s’ils le font, ils paieront une amende de 3,000 livres[1].

  1. Décret du 11 septembre 1791.