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importante. Depuis lors, le prix de toutes choses a augmenté ; les loyers sont beaucoup plus chers, les vêtemens, les boissons, les alimens aussi. Et les salaires ont suivi une progression ascendante, encore plus rapide. Seul le prix du pain est resté stationnaire. Cette dépense tient, par conséquent, dans le budget de l’ouvrier, une place beaucoup plus petite qu’autrefois. Ajoutons que, de notre temps, l’ouvrier de Paris mange à peine une livre de pain par jour, et qu’au siècle dernier la consommation moyenne était de deux livres. La viande, les légumes, remplacent le pain ; et l’homme consomme d’autant moins de pain qu’il a l’habitude de se mieux nourrir. La cherté du pain cause donc infiniment moins de soucis qu’autrefois à la population ouvrière. Il ne faut pas s’étonner que l’ouvrier parisien sacrifie une économie de 1 ou 2 sous par jour à ses goûts, s’il aime le pain tout à fait blanc, ou même à ses caprices, s’il lui plaît d’acheter, en deux ou trois fois, la provision de la journée. Il ne faut pas s’étonner non plus que la question de la taxe le laisse assez froid : le temps n’est plus où de pareilles questions provoquaient des révolutions.

Est-ce à dire que tous, cet hiver, auront gagné sans peine leur pain quotidien ? Hélas ! non ; la misère est cruelle ; les industries sont en souffrance ; mais si le peuple est malheureux, s’il y a disette, comme on disait jadis, il y a disette de travaux, non de pain. L’ouvrier occupé et bien rémunéré n’est pas on peine de payer 0 fr. 70 son pain de quatre livres ; l’ouvrier sans ouvrage ne sera pas tiré de peine pour le payer un sou de moins.


II

Si petite que soit l’économie, il faudrait fournir aux classes laborieuses le moyen de la réaliser, si ce moyen était équitable et pratique. Quels sont les moyens dont l’administration peut disposer ? La taxe, officielle ou officieuse, n’est pas la seule mesure qu’on ait eue à examiner. Dans un rapport très bien étudié et très impartial, concluant à la taxe officieuse, M. Piperaud a exposé au conseil municipal les propositions diverses et les raisons qu’on avait eues de les écarter.

Loin de penser à rétablir la taxe, quelques membres de la commission voulaient chercher un remède au mal dans l’extension de la liberté. Demandons, disaient-ils, l’abrogation de cette loi des 19-22 juillet 1791, dont on nous propose d’appliquer de nouveau les rigueurs ; débarrassons le commerce de la boulangerie de la tutelle municipale ; soumettons seulement le boulanger, comme tous les autres négocians, à la loi de mars 1796, en vertu de