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même temps que dans l’ensemble. On voit, par exemple, que pendant le mois de janvier, le centre de la péninsule et une portion des Alpes, au nord de Turin, étaient particulièrement agités. En même temps que des bruits étaient signalés dans l’Emilie, des microphones spéciaux permettaient d’en saisir de très légers dans le groupe volcanique du Latium et à Rome. Quelques faibles que soient les phénomènes que révèlent ces artifices d’observation, ils sont extrêmement dignes d’attention par leur continuité et par leur généralité ; car ils décèlent dans les soubassemens du sol un travail intestin qui ne s’arrête pas et qui est incomparablement plus général et plus constant que ne pouvaient le faire supposer, malgré leur fréquence, les tremblemens de terre proprement dits.

Il importe d’ajouter que la croûte terrestre est soumise à un autre ordre de mobilité. Elle subit, en effet, des déplacemens d’une lenteur séculaire, sans accompagnement d’aucun mouvement brusque. Ces phénomènes ne seraient sans doute pas connus, si le niveau moyen de la mer n’offrait, sur le littoral, une ligne invariable de repère pour les constater. C’est ainsi que des parties, manifestement immergées depuis les temps historiques, sont aujourd’hui au-dessus du niveau des mers et constituent ce que l’on nomme des plages soulevées ; que, d’un autre côté, des forêts sous-marines, dont l’histoire fait mention, sont aujourd’hui complètement submergées, par suite d’un abaissement du sol. En Suède, où ce fait important a d’abord été découvert sur des rochers granitiques, l’émersion verticale n’a été, de 1730 à 1849, que de 0m, 915, soit de 0m, 77 par siècle. En même temps, on a reconnu que la pointe méridionale de cette péninsule, la Scanie, s’abaisse graduellement. Il y aurait donc un mouvement de bascule dont l’axe passerait au nord de cette dernière province, aux environs de Kalmar. Très nombreuses et parfaitement constatées dans toutes les parties du globe, ces dénivellations se sont souvent produites et répétées pour un même point en sens contraire, c’est-à-dire qu’un abaissement a succédé à une élévation et inversement. Ces déplacemens lents du sol avaient été autrefois attribués, mais à tort, à des changemens dans le niveau des mers. Ils ne sont que la continuation de déformations tout à fait analogues, qui se sont manifestées, sur de vastes dimensions, pendant toutes les anciennes périodes géologiques. Il faut bien se garder de confondre ces changemens avec ceux que produisent les atterrissemens et les érosions de la mer, conjointement avec l’action des fleuves. Ces derniers, superficiels, sont évidemment de nature toute différente.

D’après ce qui précède, nous étions donc bien en droit, au début de cette étude, de dire que la croûte terrestre est loin d’être immobile. A chaque instant, et dans beaucoup de ses parties, elle