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crépusculaires qu’elles ont causées[1] ; les vagues marines qui se sont propagées jusqu’aux extrémités des océans avec des vitesses comparables à celles des marées, de 120 à 300 mètres par seconde ; les vagues aériennes, qui, d’après l’enregistrement des baromètres, ont fait dans deux sens opposés le tour du globe ; les 30,000 existences humaines qu’elle a immolées ; les villages et les cultures qu’elle a anéantis ; toutes ces circonstances ont causé une vive impression dans tous les pays civilisés.

Aujourd’hui, c’est une des plus belles parties de l’Europe, l’Andalousie, qui est frappée de désastres. Il est inutile de rappeler des faits qui sont présens à la mémoire de chacun. Déjà, le 22 décembre 1884, un premier tremblement de terre avait été ressenti dans les côtes occidentales de l’Espagne et du Portugal, et jusqu’aux Açores et à Madère. C’était comme un avant-coureur de celui qui se produisit trois jours après, avec une intensité incomparablement plus grande, dans une autre partie de la péninsule ibérique. Le 25 décembre, vers neuf heures du soir, la partie méridionale de l’Andalousie fut si fortement secouée que, dans les provinces de Malaga et de Grenade, en moins de dix secondes, cinquante-six villes et villages furent ravagés ; une vingtaine de ces localités furent détruites presque entièrement. La petite cité pittoresque et naguère si animée d’Alhama, qui comptait 10,000 habitans, est en ruines ; à Arenas el Rey, il ne reste pas une maison debout. Albunuelas, Periana, Zaffarraya, Venta de Zaffaraya, ont éprouvé le même sort. Ces diverses localités superposées au foyer d’agitation sont réparties sur une surface dont la principale dimension n’atteint pas 60 kilomètres ; mais les mouvemens du sol se sont propagés bien au-delà, vers l’ouest, jusqu’au-delà de Séville, vers l’est, au cap de Gate, et, au nord, jusqu’à Molena de Aragon, en y comprenant Madrid. Ces mouvemens du sol ont, en outre, provoqué des phénomènes de divers ordres. Des crevasses de plusieurs kilomètres de longueur et larges de quelques mètres se sont ouvertes çà et là. De l’une d’elles, à 3 kilomètres de Santa-Cruz, il s’exhale des gaz fétides à odeur d’hydrogène sulfuré ; de la même fissure jaillit une source abondante d’eau sulfureuse avec une température de 42 degrés, tandis qu’à 2 kilomètres de ce point, les sources thermales d’Alhama, utilisées depuis l’antiquité, se sont échauffées davantage et ont acquis un caractère sulfureux.

Les contrées qui avoisinent la Sierra Nevada et les sierras qui en sont comme les ramifications ont été fréquemment le centre de commotions souterraines. Souvent aussi, comme il vient d’arriver, les secousses se sont répétées pendant plusieurs semaines ; c’est un

  1. Voyez, dans la Revue du 1er mai 1884, l’étude de M. Jamin sur ce sujet.