son cachet, Miloud avait ordre de la rendre, ainsi approuvée, au général Desmichels ; quant à l’autre, toute son adresse devait tendre à obtenir du général, non sa signature, qu’il eût sans doute refusée, mais l’empreinte de son sceau, le seul témoignage d’authenticité qui eût de valeur aux yeux des Arabes, et à faire rentrer cette pièce entre ses mains. La note de l’émir était ainsi conçue- : « 1° les Arabes auront la liberté de vendre et d’acheter de la poudre, des armes, du soufre, enfin tout ce qui concerne la guerre ; 2° le commerce de la Mersa-Arzeu sera sous le gouvernement du prince des croyans, comme par le passé, et pour toutes les affaires. Les cargaisons ne se feront pas autre part que dans ce port. Quant à Mostaganem et Oran, ils ne recevront que les marchandises nécessaires au besoin de leurs habitans, et personne ne pourra s’y opposer. Ceux qui désireront charger des marchandises devront se rendre à la Mersa ; 3° le général nous rendra tous les déserteurs et les fera enchaîner ; il ne recevra pas non plus les criminels. Le général commandant à Alger n’aura pas de pouvoir sur les musulmans qui viendront auprès de lui avec le consentement de leurs chefs ; 4° on ne pourra empêcher un musulman de retourner chez lui quand il voudra. »
Entre la note arabe et les conditions françaises la contradiction saute aux yeux ; cependant le général Desmichels ne s’en aperçut, ou du moins ne s’en inquiéta pas. Il s’imagina, dans ses idées françaises, que ces pièces intéressantes pour l’histoire de la négociation n’avaient aucune valeur effective, et, pour complaire au désir d’Abd-el-Kader, il consentit à l’échange des deux notes, en laissant à Ben-Harach la pièce arabe avec l’empreinte de son sceau. Il ne se doutait pas alors que ce qu’il venait de faire équivalait à la signature authentique d’un traité. Quand la conduite d’Abd-el-Kader et de ses représentans lui eut révélé son erreur, il était trop tard. L’acte du 26 février que les Arabes ne voulaient pas reconnaître, il aurait dû leur en imposer la reconnaissance par la force, sinon le déchirer publiquement de la même main qui venait de le souscrire. Il n’eut pas le courage héroïque d’avouer la duperie, de confesser sa faute, qui ne fut connue tout entière que l’année suivante. Cette paix à laquelle il avait attaché son nom et dont, à peu d’exceptions près, l’opinion publique avait accueilli l’annonce avec plaisir, cette paix qui n’était pourtant qu’un leurre, il se persuada qu’après tout elle valait encore mieux que la guerre. Après s’être laissé conduire par légèreté dans une fausse voie, il s’y enfonça de parti-pris, avec entêtement. Étrange contradiction ! Bien loin de s’irriter contre Abd-el-Kader qui l’avait joué, il s’attacha opiniâtrement à favoriser* ses desseins. Il se complaisait en lui comme en sa créature, et de son agrandissement il fit sa propre affaire. Au moment où la fortune