apprit des indigènes qu’il leur était interdit de vendre directement aux Européens et que toute affaire de négoce devait passer par l’oukil, représentant de l’émir, lequel absorbait ainsi, au bénéfice de son maître, le monopole des transactions. Aux réclamations des négocians intéressés, le général Desmichels répondit qu’en droit le commerce était libre et qu’il ne devait y avoir qu’un malentendu. Cependant de nouveaux faits ne tardèrent pas à contredire l’assertion du général. Un Français ayant traité avec un Arabe de quelques charges d’orge, Khalifa ben Mahmoud maltraita le vendeur et vint, sous les yeux mêmes de l’acheteur, saisir les sacs, dont il s’empara au prix du tarif arrêté par Abd-el-Kader. Sur la plainte du Français, le commandant d’Arzeu lui déclara que, d’après ses instructions, il ne lui était pas permis de se mêler des affaires de commerce. Vers le même temps, le sous-intendant civil d’Oran, M. Sol, dans un rapport adressé à M. Genty de Bussy, se plaignait d’une autorisation donnée à l’oukil d’Arzeu de charger des grains pour l’Espagne, au mépris d’un arrêté du 10 juillet 1832 qui en prohibait absolument l’exportation. Cette autorisation, aussi bien que le fait du monopole, M. Sol l’attribuait à des concessions imprudentes accordées secrètement par le général Desmichels à l’émir. Le commandant d’Oran, en réponse aux observations que lui adressa le général Voirol, prétexta de son ignorance au sujet de l’arrêté relatif à l’exportation et protesta contre le fait du monopole, qui serait, — il était le premier à le reconnaître, — en contradiction manifeste avec le traité qu’il avait conclu.
Cependant il y avait d’autres incidens fâcheux et bien plus inexplicables encore. Au milieu d’Oran même, l’oukil d’Abd-el-Kader exerçait sa juridiction sur les indigènes, les faisait arrêter et maltraiter. Un Coulougli du nom de Kaddour avait été conduit de force à Mascara, un juif dénoncé parce qu’il s’y rendait avec un passeport français, le kaïd Ibrahim menacé publiquement par le représentant de l’émir. Un cheval qu’un Arabe voulait vendre était saisi, envoyé à Mascara, l’Arabe mis en prison, et, comme le commandant de place en témoignait de l’étonnement, l’oukil alléguait l’ordre qu’il avait reçu d’empêcher les particuliers de vendre des chevaux parce qu’à l’émir seul appartenait le droit de fournir aux Français tous ceux qui leur seraient nécessaires.
M. Sol avait pénétré le secret. Le général Desmichels s’était laissé duper ; Abd-el-Kader le tenait par des engagemens qu’il n’osait ni avouer ni rompre. Après avoir reçu, vers le milieu de février, la note qui contenait les conditions françaises, telles, à peu de chose près qu’elles figurèrent ensuite dans le traité, l’émir avait, de son côté, mis par écrit les conditions arabes et il avait confié les deux pièces à Miloud-ben-Harach. La première, sur laquelle il avait apposé