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bonne situation militaire, trois mille huit cents baïonnettes, cinq cents sabres, deux batteries de campagne, le corps de place bien réparé, les ouvrages extérieurs accrus de la mosquée de Kerguenta, convertie en caserne défensive. Le successeur arrivait avec des idées très belliqueuses, blâmant l’inaction qui ne faisait qu’encourager l’ennemi et déprimer le moral des troupes. Le 7 mai, à minuit, il sortait avec 1,000 hommes du 66e de ligne et de la légion étrangère, 400 chasseurs d’Afrique et 4 obusiers de montagne. Les hommes n’emportaient qu’une ration de pain, les chevaux qu’une ration d’orge ; il ne s’agissait que d’un coup de main sur les Gharaba, qui étaient venus camper à six lieues d’Oran, dans la plaine du Tlélate. Au point du jour, on les surprit, on tua quelques hommes, on prit une trentaine de femmes et d’enfans, beaucoup de moutons et de bœufs, une vingtaine de chameaux, quelques chevaux, et l’on s’en revint. La retraite dura sept heures, harcelée par une masse de cavaliers, car des douars voisins accouraient sans cesse des alliés aux Gharaba ; cependant les pertes furent à peine sensibles, parce qu’au lieu de se servir de leurs longs fusils, les Arabes, ce jour-là, ne combattirent guère qu’à l’arme blanche. Le bétail fut particulièrement bien accueilli dans la place, qui, depuis deux mois, manquait presque absolument de viande fraîche.

Cette sortie était une provocation. Abd-el-Kader y répondit en venant s’établir, le 25 mai, à trois lieues et demie d’Oran, au santon du Figuier ; il paraissait avoir une dizaine de mille hommes. Le lendemain, le général Desmichels se tint en observation en avant du fort Saint-André ; la position lui paraissant bonne, il y fit préparer remplacement d’un blockhaus, que le génie se mit à établir, le 27, au point du jour. À ce moment, l’ennemi parut, toutes les troupes sortirent d’Oran, et l’affaire s’engagea. Les Arabes s’avançaient sur deux colonnes ; l’une se déploya pour une attaque de front, l’autre manœuvrait pour tourner la gauche française. Ce fut surtout un beau combat de cavalerie, plus émouvant que meurtrier. Enfin, après sept heures de lutte, les adversaires épuisés se séparèrent ; les uns retournèrent au Figuier, les autres rentrèrent dans la place, laissant le blockhaus solidement planté avec une petite garnison de 40 hommes.

Très étonnés, très intrigués à l’aspect de ce singulier édifice qui s’était tout à coup dressé là comme par enchantement, une centaine des plus hardis parmi les Arabes s’en approchèrent pendant la nuit, d’abord avec précaution ; ils tournaient autour ; ils se consultaient ; ils examinaient les palissades ; enfin l’un d’eux tenta l’escalade ; descendu dans l’enceinte, il s’avança vers cette maison de bois, sombre, silencieuse, la frappa du poing et se mit à rire ; au même instant, il tomba mort, et ses compagnons qui s’apprêtaient à le