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On ne put pas s’entendre. Le parlementaire refusant de promettre les otages qu’exigeait le général, les hostilités furent reprises. Le butin fut ce jour-là plus considérable encore que celui de la veille, troupeaux, tentes, tapis, ballots de laine, et, comme celui de la veille, il fut distribué aux auxiliaires. Le 20 mai, un nouvel envoyé se présenta ; moins fier que l’autre, il apportait la soumission de la tribu. Les Hadjoutes reçurent pour kaïd Kouider-ben-Rebah, depuis longtemps désigné par le général Voirol ; ils ne réclamèrent pas la restitution de ce qui leur avait été pris. Le 21, les troupes rentrèrent au camp de Douéra, et les auxiliaires rapportèrent dans leurs douars les dépouilles opimes qu’ils devaient à la libéralité des Français. Quelques jours après, les Hadjoutes et les gens de Beni-Khelil députèrent quelques-uns des leurs à Blida pour consacrer par une cérémonie solennelle le rétablissement de la bonne intelligence entre les uns et les autres. Une fosse fut creusée ; on y déposa un plat de couscoussou, et, pendant qu’on le recouvrait de terre, tous les assistons récitèrent une formule de malédiction contre les violateurs de la paix. Satisfait de la soumission des Hadjoutes, le général Voirol rendit à la liberté le marabout Sidi-Mohamed, le dernier des otages de Koléa.

C’était assurément une grande nouveauté que d’avoir vu des indigènes marcher avec les Roumi, contre des hommes de même religion et de même race ; mais il y avait un autre spectacle non moins intéressant à voir, des Roumi mêlés tous les jours aux indigènes, allant et venant au milieu d’eux, acceptés par eux, en commerce habituel avec eux. Quand on aurait vu pendant un certain temps pareille chose, alors on pourrait commencer à prendre confiance. L’expérience était à faire. Pendant le mois de juin, le chef, les officiers et les agens du bureau arabe se montrèrent fréquemment dans la plaine ; des Européens se rendirent le lundi au marché de Bou-Farik ; d’autres, par curiosité, poussèrent jusqu’à l’Oued-Hamise, afin de voir des émigrés du Sahara, les Arib, à qui le général Voirol avait confié un terrain de culture, près de Haouch-Rassauta, et qui, en retour, devaient fournir la garde du fort de l’Eau et de la Maison-Carrée ; leurs douars comptaient déjà quarante-cinq tentes ; ils allaient prochainement atteindre la centaine.

Pendant le mois de juillet, le bureau arabe, le service topographique et l’administration des domaines s’entendirent pour faire dans les trois kaïdats de Beni-Khelil, Beni-Mouça et Khachna la recherche des biens du beylik. Cette opération, bien conduite, fit reconnaître l’existence de dix-neuf haouch entourés de terres d’une vaste étendue, très fertiles et d’un grand rapport. Des indigènes s’y étaient installés comme chez eux, sans aucun titre ; au lieu de les faire déguerpir, on les y laissa, moyennant une très légère