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moyens demandés. Comme la division d’Alger, réduite par les maladies, n’était évidemment pas en état de les fournir, il décida que l’expédition serait organisée en France et qu’elle comprendrait deux bataillons du 59e, deux batteries d’artillerie dont une de montagne, une compagnie de sapeurs, une compagnie du train, un détachement d’ouvriers d’administration, soit au total 1,800 hommes, avec une réserve de 300,000 cartouches, des vivres pour trois mois et un matériel proportionné. Le général Trézel, appelé d’Alger pour en prendre le commandement, arriva vers la fin d’août à Toulon avec ses aides-de-camp et le capitaine de La Moricière ; mais l’embarquement ne se put faire qu’un mois plus tard. L’état-major et les troupes prirent passage sur sept navires de l’état : la frégate Victoire, les corvettes Ariane et Circé, la corvette de charge Oise, les gabares Caravane et Durance, le brick Cygne ; huit bâtimens de commerce avaient été nolisés pour le transport du matériel. M. de Parseval, capitaine de vaisseau, commandait la division navale ; contrariée par les vents, elle ne parut que le 29 septembre, après six jours de mer, dans la rade de Bougie.

Réunis sur la dunette de la frégate, le général, l’état-major, les officiers d’artillerie et du génie étudiaient l’aspect général et les principaux accidens du terrain, le tracé de la fortification, la disposition de l’armement. La ville apparaissait en amphithéâtre au pied du Gouraïa, sur deux croupes séparées par une gorge profonde, commun débouché d’un triple ravin dont les branches convergentes divisaient autrefois les hauts quartiers de l’ancienne Bougie. De ces quartiers, comme de ceux qui occupaient au même temps la croupe orientale. Comme de l’enceinte qui les protégeait, il ne restait à peu près rien que des ruines ; la vie, qui s’en était retirée, s’était concentrée au nord et à l’ouest de la gorge de Sidi-Touati. Là, parmi les jardins et les vergers, on apercevait disséminées et comme enfouies dans la verdure quelques centaines de petites maisons proprettes et blanches. De cette vue d’ensemble, si le regard du spectateur s’arrêtait au détail, il apercevait au premier plan les défenses du front de mer, à sa droite, sur la pointe qui limitait à l’est l’anse du port, la batterie Déli-Ahmed et la tour carrée du fort Abd-el-Kader ; en face, tout au milieu de la courbe décrite par la plage, le quai de débarquement, et couvrant l’issue du grand ravin, Bab-el-Bahar, la Porte de mer ; à gauche, un peu avant la pointe occidentale, la batterie Sidi-Hussein, à la pointe même, le bastion de Choulak. Au second plan, de ce même côté, commençaient à se dessiner les murs de la Kasba, dont le bastion de Choulak n’était que l’ouvrage inférieur et qui s’élevait à mi-côte jusqu’à la masse du fort de l’Agha, son réduit. Au-dessus, au point culminant de la croupe occidentale, se dressait l’ouvrage le plus considérable de Bougie, le fort Mouça ;