particulièrement irrespectueuses à l’endroit du vieux général et des pékins, qui s’imaginaient avoir vu une bataille. Quelques jours après, la commission s’embarqua pour Bône.
Effrayés par le sort de Bouzeïd, les kaïds de Khachna et de Béni-Mouça étaient venus se réfugier dans Alger même ; ils ne se décidèrent qu’à grand’peine à retourner, sur l’ordre formel du général Voirol, à leurs fonctions. Le bureau arabe imputait avec beaucoup de vraisemblance l’assassinat du kaïd aux Hadjoutes. Le 26 septembre, le général de Trobriand leur fit une visite qu’ils n’attendirent pas et dont tout le résultat fut la destruction de quelques gourbis et l’incendie de quelques gerbiers. On retombait dans la routine énervante des petites promenades sans effet et des petits bulletins sans valeur. L’attention publique s’y attachait d’autant moins, en ce temps-là, qu’une grande et sérieuse expédition l’attirait sur un autre point et la captivait tout entière.
Comme Alger et comme Bône, Bougie s’élève au-dessus de la mer ; mais la montagne qui la domine n’est pas comme pour Alger une parure, comme pour Bône une décoration ; elle est une menace. Alger n’a rien à craindre de la Bouzaréa, Bône rien à craindre de l’Edough ; le Gouraïa semble prêt à s’écrouler sur Bougie. Si c’est la campagne qu’on regarde, la différence est encore plus saissante : autour d’Alger, la Métidja se développe ; sur les deux rives de la Seybouse, Bône a de l’espace ; ce qu’on nomme la plaine, à Bougie, n’est que le préau d’une prison. En effet, c’était bien une prison gardée par des geôliers impitoyables. L’homme ici est pareil à la nature : âpre, dur, inhospitalier, farouche. Le montagnard de Bougie est le type du Kabyle ; les gens de Soumata sont des civilisés en comparaison. Pour cet indépendant, jaloux de son droit jusqu’à la fureur, les liens sociaux sont les plus légers possible ; il ne reconnaît pas de chefs de naissance ; ceux qu’il veut bien admettre pour un temps, c’est lui-même qui se les donne, et, deux ou trois fois par an, il les change. Quant à l’étranger, pour lui comme pour le vieux Romain, c’est l’ennemi. Cependant, il faut bien qu’il échange quelque part et avec quelqu’un les produits de son sol, l’huile de ses oliviers, la cire de ses abeilles, le bois de ses forêts ; c’est pourquoi il tolère la ville, qu’il tient sous ses pieds, où il lui serait odieux de vivre, mais où il entend dominer toujours.
Grande autrefois, capitale d’un royaume à l’époque brillante de la conquête arabe. Bougie, en 1832, flottait dans la vaste enceinte de ses murailles croulantes ; sa population, bien réduite, ne comptait pas plus de 2,000 ou 3,000 habitans : Arabes, Turcs et Maures,