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Alger, vis-à-vis de la France nous y sommes engagés d’honneur. » Malheureusement le langage du maréchal Soult, ministre de la guerre, n’était pas fait pour les rassurer : « J’ai annoncé, disait-il dans la séance du 7 mars, en rappelant le débat de l’année précédente, qu’à moins de considérations politiques d’une telle nature qu’il soit dans l’intérêt de la France et de son honneur d’y renoncer, le gouvernement n’avait aucun projet d’abandonner la côte d’Afrique. » Trois mois plus-tard, le 18 juin, forcé de répondre à une interpellation du maréchal Clauzel ; il ne voulut pas s’expliquer davantage : « Je répéterai que le gouvernement n’a pris aucun engagement avec aucune puissance, qu’il est entièrement libre de faire tout ce que l’honneur et l’intérêt de la France pourraient exiger, mais que, jusqu’à présent, il n’est pas entré dans sa pensée d’évacuer Alger, que sa conduite dans tout ce pays et sur toute la côte d’Afrique est d’affermir l’occupation et de n’y avoir rien à craindre contre tout venant. »

Si réservée qu’eût été l’attitude du ministère français, elle fut à Londres trouvée presque agressive. Le 13 mars, M. de Talleyrand avait eu, avec lord Grey, au sujet des discussions de la chambre des députés, une conversation dont il rendait, le lendemain, compte en ces termes : « Il m’a exprimé des regrets très vifs du langage qui avait été tenu et qui lui causera, m’a-t-il assuré, de très grande embarras à la chambre des lords, où la question sera incessamment traitée. Il aurait désiré que le gouvernement du roi évitât de prendre des engagemens aussi positifs, après surtout que les promesses faites à l’Angleterre par le dernier gouvernement français ont été si hostilement révélées, l’année dernière, par lord Aberdeen. Il serait, je pense, utile de faire vérifier la nature des promesses qui, d’après lord Aberdeen, auraient été faites par le prince de Polignac. J’ai plus d’une fois regretté que, dans notre chambre des députés, on ne comprit pas mieux les véritables intérêts de la France et qu’on soulevât imprudemment des questions pour lesquelles le silence serait utile. » À cette communication le duc de Broglie répondait, le 18 mars : « Je sens comme vous l’inopportunité de semblables débats, mais il ne dépend pas du gouvernement du roi de les éviter. Au surplus, je dois vous dire que, ainsi que lord Grey l’a reconnu l’année dernière dans la chambre des lords, le précédent gouvernement français s’est constamment refusé à prendre, par rapport à Alger, aucun engagement avec l’Angleterre, et qu’au moment même où a éclaté la révolution de juillet, ce refus venait d’occasionner entre lord Aberdeen et le duc de Laval les explications les plus violentes. C’est ce que j’ai dit à lord Granville, qui m’a d’ailleurs avoué que ses instructions lui prescrivaient de ne jamais nous parler d’Alger. » Quand, au mois juin, l’interpellation du maréchal