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La liquidation s’était passée sans incident grave. Les livraisons redoutées en rente 3 pour 100 ne s’étaient pas effectuées, et les taux de report n’ont pas dépassé d’abord la moyenne habituelle. Ils se sont élevés cependant, aussi bien sur les rentes que sur les valeurs, pendant les deux journées qui ont suivi la liquidation, ce qui prouvait à la fois que le découvert avait bien diminué et que la place était plus engagée à la hausse qu’on ne le supposait.

Malgré cette constatation, et malgré les cours en baisse continue transmis de Londres et de Berlin, la volonté de faire de la hausse était telle que rentes et valeurs ont commencé à s’élever sous l’influence d’achats dont le caractère était bien fait pour inquiéter quelque peu les spéculateurs prudens et expérimentés. Il s’agissait, en effet, de ce que l’on appelle les achats des gens du monde, c’est-à-dire de spéculateurs opérant au hasard, ou à peu près, et qui, se mettant à la suite d’un mouvement aux trois quarts épuisé et produisant en quelques jours une hausse factice, rendent inévitable à bref délai un brusque mouvement rétrograde.

Pendant cette période d’effervescence, le 3 pour 100 français a été porté de 81.85 à 82.50 ; l’Amortissable, de 83.20 à 83.90, le 4 1/2, de 109.70 à 110.30 ; l’Italien de 97.75 à 98 ; le Suez, de 2,115 à 2,175 ; la Banque de France, de 5,140 à 5,300 ; la Banque de Paris, de 800 à 815 ; le Crédit foncier, de 1,362 à 1,375 francs.

A Londres et à Berlin, au contraire, les Consolidés et les Fonds russes ne cessaient de reculer sous l’action des nouvelles politiques concernant l’état aigu du conflit anglo-russe. Le ministère Gladstone était sorti vainqueur du débat sur la motion de censure à propos des affaires d’Egypte, mais avec une faible majorité de 14 voix. On envoyait 8,000 soldats de la métropole à Souakim, tandis que l’armée du général Wolseley se mettait en pleine retraite sur Dongola. Les difficultés s’amoncelaient de tous côtés autour du gouvernement anglais. Une rupture semblait imminente entre les cabinets de Londres et de Berlin, et les journaux anglais dénonçaient les progrès des Russes dans la direction de Hérat. Comment le Stock-Exchange eût-il pu soutenir le choc de tant de causes d’inquiétude ? La Banque d’Angleterre était en état, par suite de la situation de sa réserve, d’abaisser le taux de son escompte. La gravité des préoccupations politiques a empêché l’adoption de cette mesure.

La réponse de lord Granville au réquisitoire lancé par M. de Bismarck contre les procédés de la diplomatie britannique a marqué la un du malentendu entre Berlin et Londres. Les deux gouvernemens se sont réconciliés, par l’intermédiaire du comte Herbert de Bismarck, sur le terrain de la politique coloniale. Mais la question afghane a passé alors au premier plan, et le ton de la presse britannique à