Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déterminer des espaces quelconques, offrant une réunion d’espèces véritablement aborigènes, c’est-à-dire nées sur place, et il énumérait ainsi vingt régions demeurées distinctes en dépit même des introductions postérieures. Ces régions, M. A. de Candolle, reprenant la pensée de son père, les avait plus tard portées à cinquante. Chacune aurait eu en propre au moins la moitié de la totalité des espèces qu’on y rencontre ; mais cette règle avait elle-même quelque chose d’arbitraire, et des recherches plus minutieuses auraient entraîné la création inévitable de nouvelles régions intermédiaires aux premières, servant à les rejoindre et à les confondre finalement. Schouw, après des tâtonnemens, s’était attaché à définir chacune de ses régions par la prédominance de certaines familles, de certaines formes caractéristiques de plantes, accentuant la physionomie du paysage, en même temps qu’il s’appuyait sur les convenances géographiques et les conditions de climat des circonscriptions établies par lui. Cette voie était réellement la seule qui pût conduire à quelque résultat, au point de vue de la répartition contemporaine des plantes, sans rien préjuger au sujet de leur origine première. On conçoit, en effet, une espèce étant donnée, qu’il reste à savoir d’où elle est venue, et si son rôle, son habitat et ses caractères dans le passé n’ont pu différer beaucoup, à un moment déterminé de son existence antérieure, de ce qu’ils sont actuellement sous nos yeux.

Grisebach[1] n’a fait que suivre, en la perfectionnant, la méthode de Schouw. Sans se préoccuper des origines de la flore, il a pris le globe tel qu’il se présente à nous au point de vue de la distribution des plantes à sa surface, s’attachant à leur répartition caractéristique en un certain nombre de régions qui, par des traits spéciaux de sol et de climat, par un ensemble d’accidens de terrain, se distinguent entre elles et possèdent respectivement une végétation particulière. Ces régions ou domaines, selon l’expression de Grisebach, sont très inégaux. Ils diffèrent, le plus souvent, d’étendue et de disposition selon que l’on interroge l’ancien ou le nouveau continent, mais surtout à mesure que, des alentours du pôle arctique, vers lequel les deux continens tendent à se rejoindre, on marche dans la direction de l’équateur, et, plus au sud, au sein des mers australes, jusqu’aux extrémités de plus en plus écartées des principales masses péninsulaires. C’est ainsi que le domaine le plus septentrional, celui de la flore arctique, caractérisé par l’absence d’arbres, est commun au nord des continens américain et asiatique, dont il occupe la lisière boréale. Immédiatement adossé au domaine précédent s’étend le domaine forestier, qui, d’une part, englobe l’Eu-

  1. A. Grisebach, la Végétation du globe, d’après sa disposition suivant le climat, traduit de l’allemand, par. P. de Tchihatchef, 2 vol. grand in-8o. Paris, 1875-78.