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ambiant qui sollicite de toutes parts l’organisme et tantôt l’oblige à se plier et à s’adapter pour échapper à la destruction, tantôt lui ouvre des voies nouvelles et l’entraîne vers le progrès, par le changement, en favorisant son essor.


II.


Les notions précédentes permettent de concevoir comment les êtres vivans et en particulier les végétaux se sont comportés après être originairement sortis de simples cellules, et comment chaque cellule, susceptible elle-même de dédoublement, a pu donner naissance à un agrégat cellulaire, les élémens provenant de la partition pouvant, ou bien s’isoler et acquérir une indépendance individuelle, ou bien rester connexes et constituer un corps destiné à d’ultérieures différenciations. Chacune des différenciations qui surviennent se trouve alors avoir pour but et pour effet un degré d’adaptation à des circonstances déterminées, d’autant plus étroitement défini que l’agrégat organique est plus complexe et que ses diverses parties ou fonctions sont elles-mêmes plus localisées : il en résulte une série d’états plus ou moins stables et permanens ; c’est à chacun d’eux, pris à part, que l’on applique le nom d’espèce. L’espèce, en ce sens, est la collection des individus qui, établis sur le même plan organique et possédant tout un ensemble de caractères communs, ont été affectés à un moment donné par des conditions biologiques assez uniformes pour avoir respectivement éprouvé les mêmes modifications, de telle sorte que leur fécondité mutuelle n’ait reçu aucune atteinte. Tant que les conditions de milieu auxquelles l’espèce doit son existence ne seront pas altérées, il est évident qu’elle-même persistera sans changement ou, si elle change, ce sera dans une mesure très faible et par la seule variation des parties les plus accessoires. Si, au contraire, les circonstances de milieu viennent à changer, ou que l’espèce, déjà constituée, par le fait même de son extension, soit mise en présence de conditions nouvelles, elle se modifiera et se transformera plus ou moins, de manière à s’adapter, par quelques-uns au moins des individus qu’elle comprend, à ces nouvelles conditions, tandis que les individus qui ne s’en accommoderont pas ou s’y plieront malaisément ne tarderont pas à disparaître.

Les différenciations, chez les végétaux, ne sont pas, il faut le dire, l’apanage exclusif de ceux dont la trame résulte d’un assemblage de cellules diversement associées. La cellule, considérée isolément, en elle-même, est susceptible de différenciations assez étendues. Tantôt réduite à un noyau central, seule partie en elle essen-