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singulièrement changé depuis. Dès les premiers points noirs, en 1866, elle avait commencé d’élever le ton : après la guerre, elle perdit toute mesure, et présentement, dans le désarroi général, il semble qu’elle n’ait vu qu’une occasion d’assurer sa fortune et d’asseoir sa propre domination.

Sur quoi, pourtant, fonde-t-elle de si hautes prétentions ? Ce n’est pas apparemment sur les services qu’elle a rendus à nos études en bourrant tous nos programmes de matières incohérentes et disproportionnées. J’ai déjà dit[1] tout le mal qu’elle avait fait dans cette direction, ses tendances antinationales, ses efforts pour courber le clair génie français sous le joug d’une culture et d’un pédantisme d’importation étrangère. Ses titres scientifiques sont-ils au moins plus solides ? Nullement. Le plus clair de son bagage consiste en documens et matériaux encore à l’état brut. En fait d’œuvres, de celles qui restent, ses littérateurs et ses historiens n’ont encore produit, que je sache, rien qui supporte la comparaison avec les travaux des écoles concurrentes. Je ne veux pas, — on en comprendra le motif, — insister sur la France. Mais, qu’on me cite à leur actif des ouvrages qui puissent être mis sur le même rang que les vastes tableaux des Biedermann ou des Lecky, ou les grandes Histoires de Froude et de Freeman, ou que les publications bien connues de MM. d’Arneth et Droysen ; une Histoire de la littérature du XVIIIe siècle que l’on puisse opposer à celle de Hettner ; ou seulement une modeste Histoire de la littérature française du XVIIe siècle qui vaille celle de M. Lotheissen ? J’en passe et plus d’un, et je ne prends ici que les publications les plus récentes. Que serait-ce si je remontais plus haut ?

Encore si, à défaut d’œuvres palpables et de longue haleine, elle pouvait se rabattre sur la supériorité de sa méthode ! Elle y tâche à vrai dire, et le mot est un de ceux dont jouent le plus volontiers ses augures ordinaires, celui qui revient le plus souvent dans leur conversation et dans leurs écrits. Que signifie-t-il au fond ? Ils seraient peut-être bien embarrassés de l’expliquer avec quelque précision. Car enfin, leur méthode, en quoi, je vous prie, diffère-t-elle de l’ancienne ? Est-ce que par hasard ils auraient inventé de nouveaux procédés de critique ? Est-ce que ces procédés n’étaient pas connus de nos grands érudits du XVIIe et du XVIIIe siècle ? Et ne se borneraient-ils pas tout simplement à quelques règles fondées sur l’expérience et la raison, presque en tout semblables à celles que Bacon et Descartes avaient déjà formulées ? Il a paru l’an dernier, sous le nom d’un professeur de l’École des chartes, un opuscule dont la

  1. Voyez la Revue du 1er février 1884.