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C’est elle, en effet, qui, dans ces dernières années, a donné l’impulsion à la réforme, et c’est à ses efforts persévérans, à l’infatigable activité de son doyen et de quelques-uns de ses membres qu’en sont dus les succès. J’ai déjà cité plusieurs noms propres ; j’aurais mauvaise grâce à ne pas rappeler ici la part qui revient, dans ce concert d’efforts et de bonnes volontés, à MM. Lavisse et Alfred Croiset. Nul n’était préparé, comme le premier, à tenir avec autorité le scabreux office de directeur des études dans une faculté qui compte tant de vieux serviteurs et de maîtres éminens. Mêlé, dès l’empire, aux travaux préliminaires de la statistique de 1868, s’étant acquis, plus tard, par ses recherches personnelles, une compétence indiscutable dans toutes les choses d’Allemagne et de pédagogie, M. Lavisse semblait encore désigné pour cette fonction par ses rares aptitudes administratives. Tout jeune encore, on sentait en lui, rien qu’à sa voix métallique et brève, l’homme né pour le commandement, et l’on pouvait être certain qu’il trouverait un jour ou l’autre quelque chose à gouverner. A l’École normale, il étouffait dans un cadre trop étroit : il en est sorti. La Sorbonne lui offrait un plus vaste champ : il y est venu et s’y est taillé bien vite un domaine propre et privé. L’éloquence et le grand public étaient pris ; les larges tableaux d’histoire sont un peu passés de mode. Restaient l’érudition et la jeunesse des écoles. S’emparer de l’une, s’établir fortement dans l’autre, éviter les périls et le dur labeur de la grande leçon, sans renoncer aux avantages d’une popularité choisie, régner sans partage, être le premier dans son genre et tout de suite, jouer le rôle et exercer les attributions d’un chef d’écolo, il y avait là de quoi solliciter une ambition peu commune. M. Lavisse s’est laissé tenter : combien, à sa place, en auraient fait autant sans rendre les mêmes services !

Avec d’autres mérites et des qualités d’un ordre différent, M. Alfred Croiset n’avait pas de moindres titres, et l’administration, en créant pour lui une seconde direction d’études, n’a que récompensé, dans le plus modeste des hommes, l’enseignement à la fois le plus solide et le plus brillant. Depuis longtemps M. Croiset avait su grouper autour de sa chaire d’éloquence grecque un auditoire fixe. Ajoutez qu’il n’avait pas eu besoin pour cela de fermer sa porte. Il s’était contenté de faire son cours avec assez d’agrément et de talent pour attirer les amateurs de fine littérature et de bonne langue et d’y mettre assez de science pour retenir les travailleurs.

La collaboration de deux esprits aussi distingués ne pouvait qu’être féconde. Que ceux qui voudraient en juger par eux-mêmes aillent visiter le baraquement Gerson. Ils trouveront là deux salles munies de pupitres et de chaises en bois blanc et quelques rayons