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avait en quelque sorte assumé le dépôt. J’ai déjà rendu justice au premier[1] ; j’ai dit ses vaillans efforts, son habileté supérieure, sa constance en des temps difficiles ; ouvrier de la première heure, il est un peu négligé à présent. Pas par tous, heureusement, et je me reprocherais de ne pas rappeler, au début de cette étude, le souvenir d’un si galant homme et d’un si bon serviteur de la chose publique. Je devrais peut-être aussi, pour n’oublier personne, payer mon tribut de regrets à la mémoire d’Albert Dumont. On me pardonnera si je n’insiste pas. Quels mots trouverais-je encore pour le louer ? Que vaudrait mon humble hommage après tous ceux qu’il a reçus et qui l’attendent encore ? Tout bien considéré, pour honorer cet esprit délicat, ce fin dilettante et ce charmant sceptique, qui mettait avant tout la mesure et qui avait tant de tact, je ne trouve rien de mieux que de lui épargner une nouvelle oraison funèbre. Vivant, c’est en gourmet qu’il aimait le pouvoir et c’est avec une sorte d’onction qu’il en savourait discrètement les jouissances. Mort, je me ferais scrupule d’ajouter une seule note au concert un peu bruyant qui s’est élevé sur sa tombe.

Je passe donc, et, sans plus m’attarder, j’arrive au fait, c’est-à-dire aux réformes qui se sont accomplies récemment dans nos facultés.


I

C’est pas nécessaire de remonter bien haut pour trouver les origines et le point de départ de ces réformes. L’opinion n’a guère été saisie de la question et n’a commencé de s’y intéresser vraiment qu’il y a une vingtaine d’années. Sans doute, avant cette époque, plus d’un esprit curieux s’était demandé, non sans inquiétude, si notre enseignement supérieur rendait bien tous les services qu’un grand pays est en droit d’attendre de ses écoles. L’Allemagne exerçait déjà sur une petite élite l’attraction réfléchie qui plus tard a tourné, pour la foule, à l’engouement, et, chez quelques-uns, à l’exploitation.

En regard des grandes universités d’outre-Rhin, si vivantes et si fortement constituées, nos meilleures facultés semblaient singulièrement chétives ; la Sorbonne elle-même pâlissait ; mais il s’en fallait que ce courant d’idées fût fait d’informations précises et de science certaine. Il flottait encore, cherchant un peu à tâtons sa voie, quand une impulsion hardie vint tout à coup lui donner une direction. Sous ce titre : l’Instruction supérieure en France, son

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1879.