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M. Périn est donc en économie sociale légèrement enclin à l’opportunisme, et même, dût le mot lui faire horreur, au libéralisme. S’il est partisan des associations, c’est qu’il les considère comme étant le meilleur moyen de développer chez les hommes les sentimens d’amour et de charité. Il ne veut pas que l’association soit parement utilitaire et retienne uniquement les membres par le lien vulgaire de l’intérêt-matériel ; il veut encore qu’elle soit chrétienne et qu’elle les attire par un intérêt moral ; il veut aussi qu’elle soit libre, et il développe avec beaucoup d’élévation les avantages de l’association ainsi entendue dans son ouvrage sur les Doctrines économiques depuis un siècle. Mais il ne croit pas à l’efficacité absolue du remède : « Que peut faire le mutualisme, dit-il, quand tous à la fois sont frappés et réclament également l’assistance ? » En un mot, il ne met sa confiance dans aucune panacée, dans aucune formule, et il n’attend le salut de la société moderne que de son retour à l’esprit de l’évangile et à la pratique du renoncement.

Les militans sont plus affirmatifs. Moins hommes d’étude et de cabinet que M. Périn, plus mêlés à la vie, au monde, voire même aux assemblées publiques, ils ont bien compris qu’offrir la pratique de toutes les vertus comme solution du problème social n’était-pas un remède d’une efficacité immédiate et qu’il fallait à toute force en proposer un qui fût plus concret. Ce remède, les militans ou, pour les appeler de leur vrai nom, les membres de l’Œuvre des cercles catholiques ont cru le trouver dans une combinaison nouvelle qu’il me reste à exposer. Ils partent de cette idée que l’ancienne organisation du travail avait maintenu pendant de longs siècles, dans la société française, la paix et l’harmonie des intérêts. D’un autre côté, ils sont frappés de cette tendance à l’association qui, depuis mn assez grand nombre d’années déjà, se manifeste de tous côtés dans la classe ouvrière, et qui a fini par triompher d’une législation tyrannique. Joignant ces deux idées, ils se proposent de prendre la direction de ce mouvement et de le faire tourner au rétablissement des corporations. Jusque-là rien qui ne soit assurément très acceptable. Mais quelle forme devraient prendre les corporations ainsi rétablies ? Ceux qui ont mis l’idée en avant se défendent beaucoup de vouloir en revenir purement et simplement à l’ancienne organisation des maîtrises et des jurandes. Ils sentent bien que cette organisation, bonne ou mauvaise en son temps, ne peut plus s’adapter aux mœurs de la société moderne et que la grande industrie a soulevé de nouveaux problèmes auxquels.il faut pourvoir. D’un autre côté, ils se refusent à considérer comme constituant une institution utile et un progrès réel ces syndicats professionnels dont une loi récente vient de sanctionner résistance et de reconnaître la légalité, « En laissant aux ouvriers, disent-ils,