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mangent en bavant, ouvrent la bouche en long ; ils se mouchent avec leurs doigts, s’essuient le nez sur leurs manches ; » Jacques Vingtras, fils d’un maître d’études, est fait à d’autres manières. Il faut l’entendre nous parler des bonnes gens qui lui procurent un gîte, en l’adressant à leurs amis « avec un mot, gras comme les doigts du charcutier qui a vendu les côtelettes, » ou de ceux qui l’aident à vivre en lui procurant du travail : « Je ne fais rien, — pardon ! je gagne dix sous cinq fois par semaine. Je donne une leçon à un fils de portier. » Sans doute il lui faudrait des vidâmes pour leur enseigner le latin, que d’ailleurs il ignore, et sur l’encre de ses billets de la poudre de diamans ! Et quand le concierge de l’École de droit, avant de lui donner une adresse qu’il demande, lui dit de descendre dans la salle des inscriptions, et de « faire, en l’attendant, comme s’il était domestique, » de quel accent il répète, après vingt ou trente ans passés : « Je fais comme si j’étais domestique ! » Mais, en revanche, de quel accent aussi, sincère celui-là, se rappelant le spectacle qu’il avait à Nantes, quotidiennement, sous les yeux, il s’écrie : « Le peuple ! .. où est donc le peuple ici ? Ces meneurs de bateaux, ces porteurs de cottes, ces Bas-Bretons en veste de toile crottée, ces paysans du voisinage en habit de drap vert, tout cela n’est pas le peuple. » Et, en effet, « tout cela, » c’est le peuple qui gagne durement sa vie, dont les plaisirs sont grossiers, dont les joies sont vulgaires, le peuple qui se prive sur son nécessaire, et qui « s’ôte le pain de la bouche » pour faire de ses fils, comme de celui-ci, des bacheliers, des bourgeois, des « redingotiers. » Ce n’est pas le peuple des réfractaires, qui vivent en marge des sociétés, ouvriers sans travail, professeurs sans élèves, avocats sans clientèle, étrangers sans aveu, bohèmes sans domicile, vagabonds sans métier, a tout ce qui ne peut pas se dire quelque chose, ophicléide, ébéniste, notaire, docteur ou cordonnier, » toute l’écume des grandes villes, toute la lie des vieilles civilisations. Et surtout ce n’est pas le peuple qui fait les émeutes pour donner aux déclassés de tout poil et de toute origine, avec les pures satisfactions de la vengeance, — ne fût-ce que trois mois, — toutes celles aussi du pouvoir, de l’amour-propre et de l’argent.

Lisez maintenant ce livre intitulé l’Enfant, que je ne trouve point « admirable, » comme quelques-uns, mais que je puis bien appeler « infâme, » sans y mettre, je pense beaucoup d’exagération. L’auteur l’a dédié : « A tous ceux… qui furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parens ; » et il voudrait bien nous faire croire que, s’il a traité la mémoire de sa mère ou de son père comme je doute qu’on le fasse dans les prisons ou dans les bagnes, c’est sous l’impression violemment renouvelée des misères de son enfance et des coups qu’il a reçus. « Ai-je été nourri par ma mère ? Est-ce une paysanne qui m’a