Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Ve siècle, le pape Gélase, scandalisé de l’invasion d’une sorte de mythologie nouvelle dans l’histoire de la primitive église et de tant d’inepties ou de mensonges anonymes qu’on lisait aux offices sous le nom vénéré d’Actes des martyrs, ait défendu par un décret la lecture de ces pièces, plus propres selon lui à discréditer l’église qu’à la glorifier : Ne vel levis subsannandi oriretur occasio.

Si les églises ça et là, dans les premiers siècles, dressèrent des tables de martyrs, soit sur des notes ou des mémoires anonymes et plus tard, quand, dans la proscription de Dioclétien ou les dévastations des barbares, ces pièces avaient péri pour la plupart, sur des on-dit, des traditions orales ou des mentions trouvées chez les écrivains plus ou moins contemporains ; si elles s’attachèrent à fixer les jours où les champions de la foi étaient morts, ou ceux où ils avaient été ensevelis ; si, plus tard, avec ces tables particulières on essaya de former des catalogues généraux, — c’est là, ce semble, l’origine des martyrologes et des calendriers ecclésiastiques ; — on ne saurait voir, dans ces essais de classification, des documens d’un caractère officiel garantis et consacrés par l’autorité ecclésiastique.

Les deux plus anciens monumens de ce genre qui nous soient parvenus sont du milieu du IVe siècle. On les a trouvés avec le catalogue Libérien, dont ils forment comme des annexes ; ce sont deux pièces anonymes très courtes : l’une a pour titre : Depositio episcoporum et ne contient qu’une liste de pontifes romains présentés, non dans l’ordre de la succession chronologique, mais selon l’ordre des jours de l’année, chacun à la date de sa mort ou de sa sépulture, pendant un peu moins d’un siècle, de 253 à 336. L’autre pièce est intitulée : Depositio martyrum, et n’est rien, selon les meilleurs juges, qu’un férial romain, ou un calendrier des grandes fêtes invariables. Or que ces deux petits index aient été dressés par l’ordre d’un pontife de Rome, ou qu’ils soient un document privé, — ces deux opinions sont également soutenables, — on ne peut les considérer comme faisant loi au sein de l’église, et la preuve, c’est que leur autorité est discutée comme celle de tout témoignage historique, que les savans les plus respectueux des traditions ecclésiastiques ne se font nul scrupule de les contredire, de placer, par exemple, parmi les martyrs ceux que l’auteur anonyme a rangés parmi les évêques « déposés, » et que les martyrologes autorisés, comme ceux d’Usuard et de Baronius, les démentent fréquemment. Les bollandistes aussi allèguent ou répudient l’autorité de cette pièce, selon qu’ils y trouvent pour leurs thèses appui ou contradiction, comme on le voit quand il s’agit soit du pape Calliste, soit des papes Lucius, Etienne ou Félix au IIIe siècle.