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personnel immense, etc. Pour l’escadre seulement, nous faisons une économie de 54 millions et 1,152 hommes. A la vérité, nous aurons dans nos groupes de combat plus d’officiers que sur cette escadre. Mais, loin de le regretter, nous nous en félicitons, car aujourd’hui nos officiers ne naviguent pas assez, ne commandent presque jamais, perdent à terre et sur les cuirassés, où leur rôle est absolument nul, — le capitaine, qui a la responsabilité, ne laissant l’initiative à personne, — toutes leurs qualités d’énergie et de décision. Notre personnel supérieur, affaibli par ce régime débilitant, trouvera dans la nouvelle marine une sorte de régénération, nous dirions même de résurrection.

Mais cette marine n’existe pas, et, bien que notre flotte légère soit aisée à constituer en peu d’années, il est impossible de la posséder immédiatement. Il y a une période de transition à ménager. Qu’arriverait-il donc si, ce qu’à Dieu ne plaise ! nous devions soutenir une guerre maritime dans quelques mois, l’été prochain, par exemple ? Jetons un regard sur nos flottes, qu’y voyons-nous ? Possèdent-elles les élémens nécessaires de la guerre de l’avenir, telle que nous avons essayé de la décrire ? Pourraient-elles faire face à cette guerre ? Pourraient-elles s’y exposer sans trop de chances de désastres ? La guerre de l’avenir, avons-nous dit, sera une guerre de course, une guerre offensive et défensive sur nos côtes et sur les côtes ennemies, sur celles de nos colonies et sur celles des colonies ennemies. Pour la guerre de course, il faut des croiseurs rapides : nous n’en avons pas ! les derniers construits par nos ingénieurs sont moins rapides que leurs prédécesseurs ; le progrès chez nous a été à rebours, nous avons marché en reculant. Il faut aussi des canonnières, des torpilleurs conjugués et des transports : nous en sommes absolument dépourvus ! Pour seconder les croisières, pour organiser l’offensive et la défensive sur les trois mers qui baignent nos rivages, dans le bassin occidental de la Méditerranée, dans le rayon de nos colonies et des colonies ennemies, il faut, outre des croiseurs de haute mer et de grand vol, des escadrilles de torpilleurs : nous en manquons totalement ! Nous l’avons affirmé, sans être démenti : c’est à peine si nous pourrions mettre en ligne quarante torpilleurs, et, parmi ces torpilleurs, il n’y en a que huit du type 60 ; tous les autres sont des torpilleurs de 27 mètres, incapables de s’éloigner des côtes. Les Russes, pour ne citer qu’eux, nous sont très supérieurs ; ils possèdent deux cents torpilleurs, dont cent cinquante dans la Baltique et cinquante dans la Mer-Noire. De canonnières rapides munies d’une artillerie puissante ou légère, nous n’en trouverions dans notre flotte aucun échantillon ! Enfin, si nos transports ne sont pas sans valeur et pourraient servir à approvisionner nos