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seule protection qu’on doive donc leur donner, c’est leurs petites dimensions et leur vitesse. Elle est suffisante pour les sauver le plus souvent, et elle a ceci de précieux qu’elle peut s’accorder avec l’économie. Les petits bâtimens sont moins chers que les grands : c’est une vérité de M. de La Palisse. Or, moins un bâtiment est cher, plus il est facile d’en multiplier les échantillons ; et, d’autre part, plus les échantillons d’un bâtiment sont multipliés, plus on a de chances de succès dans des combats où le nombre est d’une importance décisive.

Nous n’insisterons pas sur les combats contre une escadre ; car s’il reste quelques doutes au sujet de l’issue de ces combats en plein jour, il n’en reste plus au sujet de cette issue la nuit. On peut poser en principe, avec M. l’amiral Aube, que toute escadre attaquée la nuit par une flottille de torpilleurs conjugués et de canonnières est une escadre « virtuellement tuée. » Mais les personnes qui sont les plus convaincues de cette vérité font parfois des réserves au sujet de la guerre de côtes. Avec de petits bateaux, disent-elles, vous n’assiégerez jamais une place forte, vous ne bombarderez pas les forts de Malte et de Gibraltar. Dieu nous garde de le nier ! Seulement nous prétendons que ceux qui pensent qu’on les bombardera avec des cuirassés ou des gardes-côtes cuirassés sont victimes d’une illusion complète et qu’ils se trompent en essayant de conserver pour cet usage les lourdes machines qu’ils ont répudiées pour la guerre d’escadre. Sur ce point, nous avons déjà invoqué dans une étude précédente l’exemple d’Alexandrie. Oh ! certes Alexandrie, n’est ni Malte, ni Gibraltar, ni Aden. Ses fortifications n’ont presque pas de valeur ; leur seul mérite est d’être armées d’une artillerie formidable qui était servie, dans la lutte contre les Anglais, par des artilleurs de dernier ordre. Mais nous avons vu que, d’après le témoignage même des critiques maritimes de l’Angleterre, si ces artilleurs avaient été des Allemands ou des Français, lu tiers de l’escadre assiégeante eût été coulé ou mis hors de combat. Or, qu’on fasse le calcul de ce que coûte le tiers d’une escadre cuirassée et de ce qu’il représente comme valeur militaire, et qu’on se demande ensuite quelle serait la nation assez folle, assez insensée, pour s’exposer, au début d’une guerre, à une perte pareille sans autre profit que de s’emparer de fortifications ou plutôt que de réduire au silence des fortifications qu’il lui serait si aisé de tourner ? Nous croyons avoir montré que les places fortes maritimes n’ont plus l’importance qu’on leur attribuait autrefois. Malte et Gibraltar sont toujours d’admirables ports de refuge. et de ravitaillement ; mais que ce soient aujourd’hui les « clés » de la Méditerranée, aucun marin n’oserait le soutenir. La Méditerranée