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ordre n’est seul dans une même chambre ; ils sont mêlés deux par deux. Il leur est impossible de s’isoler dans un esprit de classe étroit et exclusif ; 2° la réunion dans la chambre basse de l’élément urbain avec un élément rural très ancien, très puissant, très actif et originairement rattaché au baronnage. Pareille fusion est ce qui a le plus manqué à notre tiers-état purement citadin, composé d’hommes nouveaux, tous personnages civils, magistrats des villes ou légistes, étrangers à la propriété de la terre et à la profession des armes. Faute d’une classe moyenne agricole, il n’a jamais pu combler le fossé qui le séparait de la noblesse ; il est demeuré dans son isolement et n’a pas cessé de traverser ces alternatives de timidité et de violence, qui sont l’infirmité commune de toutes les classes nouvelles, sans alliances et sans traditions ; 3°enfin le caractère laïque prédominant de la haute assemblée, dont une branche ne contient aucune représentation ecclésiastique, tandis que cette représentation est mélangée dans l’autre à l’élément séculier, ne siège qu’en vertu d’un titre séculier, le fief baronnial attaché aux évêchés et à certaines abbayes et se pénètre ainsi à un très haut degré du sentiment national et de l’esprit de la société civile.


V

Dès le milieu du XVIe siècle, le parlement existe donc dans la forme qui lui est restée ; L’époque des Tudors voit s’accomplir deux faits qui ont achevé de fixer le caractère de la société politique et qui ont poussé leurs conséquences, à travers deux révolutions, jusqu’à l’immense transformation industrielle et rurale de l’Angleterre au XVIIIe siècle : ces deux faits sont l’extinction de la noblesse féodale et la chute de l’église romaine.

Nulle part le baronnage n’a plus souvent changé de nature et de consistance qu’en Angleterre. On a vu la bande de soldats pillards qui avaient accompagné ou suivi de près Guillaume Ier, décimée par la guerre et par les confiscations, se recruter d’hommes nouveaux, issus en général de ministres et officiers d’état des rois normands et angevins. Cette noblesse de justice et d’administration avait des traditions d’ordre et de gouvernement ; c’est elle qui a donné le ton aux grands vassaux du XIIIe siècle, qui a organisé la résistance légale et armée ; c’est sous son inspiration que le baronnage s’est groupé, est devenu sensible à des intérêts plus éloignés et plus généraux, a rallié, la nation tout entière et s’est constitué en une aristocratie politique. Voilà une première transformation. Un siècle et demi après, fond et dehors, tout est différent. La féodalité s’est assise