Dans l’un et l’autre cas, l’acquéreur devient le vassal du même seigneur que le vendeur. Ces mesures contribuent à multiplier les petits tenans directs de la couronne. D’autre part, les domaines des chevaliers changeant de mains et diminuant d’importance, la condition sociale des détenteurs tendait à se rapprocher de celle des propriétaires libres ordinaires, naguère très au-dessous d’eux, aujourd’hui leurs égaux par la fortune. Il n’y avait pas abaissement par la raison que, pendant la même période, la richesse générale et, partant, le produit des terres avaient sensiblement augmenté, en sorte que le revenu d’une moitié ou d’un tiers ne devait pas être inférieur au revenu entier d’autrefois. Mais il y avait nivellement entre les deux classes. Plus d’un baron dont le fief s’était dispersé en dots ou eu autres libéralités fut entraîné dans le mouvement. La diminution du nombre des baronnies après le règne de Henri III est un fait incontestable[1].
Il se trouvait d’ailleurs que, pendant le même temps, le genre de vie et les habitudes des deux classes avaient cessé d’être très différens. Les chevaliers, par les mêmes raisons qui les décourageaient de se rendre au conseil du roi, manifestèrent de bonne heure une très vive répugnance pour la guerre. Les possessions les plus menacées de la couronne étaient en France. Il fallait presque toujours quitter le sol anglais, traverser la mer, s’en aller au loin sur le continent. De bonne heure, les chevaliers se montrent préoccupés d’échapper à cette obligation. Lorsque le roi Henri II leur offre de les exempter moyennant une taxe d’exonération, ils acceptent avec empressement. C’est l’impôt qu’on a appelé scutagium (escuage). À ce prix, les chevaliers restaient dans leurs foyers. Mais cette taxe de rachat laissait subsister toutes les autres charges de la tenure militaire, notamment ces lourds et scandaleux droits de mariage et de garde qui n’existaient sous cette forme et avec cette rigueur qu’en Angleterre et en Normandie[2]. Aussi essaie-t-on de se dérober à la chevalerie elle-même, cause ou occasion de tant de maux ; on néglige ou on évite de se faire armer chevalier. Les ordonnances qui enjoignent de recevoir cet honneur reviennent incessamment au cours du XIIIe siècle ; cela prouve clairement qu’on ne s’y prêtait que de mauvaise grâce. La recrudescence de l’esprit chevaleresque sous Édouard III ne fut qu’un accident et une mode éphémère. Dès 1278, le roi commande aux shérifs de contraindre à recevoir l’accolade, non pas seulement les personnes appartenant à la classe des chevaliers, mais tous les hommes dont le revenu