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rechercher on à accepter l’alliance militaire de l’Italie ? Dans quelles conditions et dans quelle mesure l’Italie joindrait-elle ses forces aux forces anglaises ? C’est là justement la question peut-être assez délicate dont commencent à s’occuper ceux qui font les nouvelles du jour et ceux qui font de la diplomatie.

Que l’Italie ait cru le moment venu de profiter des circonstances, de ce mouvement universel d’expansion coloniale pour prendre à son tour position dans la Mer-Rouge, et qu’elle ait jugé plus utile à sa politique, à son influence, de nouer une entente particulière avec l’Angleterre, elle était assurément dans son droit. Personne n’a pu s’étonner de voir l’Italie, un peu impatiente d’action, faire ce que tout le monde fait aujourd’hui, chercher les points qui pourraient convenir à ses intérêts ou à ses ambitions. Elle l’a fait d’accord avec l’Angleterre, comme le ministre des affaires étrangères du roi Humbert l’a récemment avoué, et c’est évidemment en vertu de cet accord que, depuis quelques jours, elle a expédié successivement des forces encore peu importantes pour occuper Assab, Beïlul, Massaouah, dans la Mer-Rouge. Ira-t-elle au-delà ? Expédiera-t-elle des forces plus considérables et aura-t-elle la liberté d’étendre son occupation à d’autres points de la Mer-Rouge ? Tout dépend de ses arrangemens avec l’Angleterre, de cette entente dont M. Mancini, en l’avouant, a refusé de définir le caractère, la forme et la portée. Est-ce à dire que ces arrangemens dont on se prévaut sans en avouer la nature, aillent réellement jusqu’à une alliance intime qui, en donnant aux Italiens un rôle précis, leur assurerait des avantages déterminés ? Est-ce donc que l’Italie puisse se promettre de tout cela de bien sérieux profits pour sa politique, pour sa situation en Europe ? C’est au moins douteux. On a cru pouvoir, à propos de cette intervention italienne en Égypte, invoquer les souvenirs de la coopération du Piémont à la guerre de Crimée. C’est une simple illusion. D’abord les circonstances sont loin d’être les mêmes, et, de plus, il ne faut pas oublier que si la guerre de Crimée a eu pour l’Italie des conséquences qui ont leur place dans l’histoire, ce n’est point tout à fait par le concours et avec l’aide du cabinet de Saint-James, qui ne pratique pas ce genre de diplomatie. Pour rester dans le vrai, que peut gagner réellement l’Italie à cette coopération en Égypte ? Si elle se borne à occuper quelques postes, fût-ce Souakim, que l’Angleterre ne lui laissera pas, elle ne sera qu’une auxiliaire chargée de faire la police du littoral avec le corps d’armée qu’elle expédiera, si elle se décide à l’envoyer. Si l’alliance des deux nations devait s’étendre, prendre un autre caractère, avoir d’autres conséquences, tout se compliquerait étrangement ; la question risquerait de devenir européenne, et même, dans ce cas, que pourraient espérer les Italiens de ces complications qu’ils auraient contribué à provoquer ? Le plus