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qui mettent le trouble dans les consciences, où se déploient de prétentieux systèmes qui conduisent par la violence et la vulgarité à l’abaissement de tout idéal, à la dépression momentanée du génie français. Encore une fois, on aura beau s’évertuer en vaines déclamations et se flatter, comme on l’a dit naïvement, d’éblouir un de ces jours le monde avec quelque exposition fastueuse longuement préparée : c’est là la vérité que tout le monde sent, même quand on s’efforce de la voiler dans un intérêt mal entendu de parti. Mais, dira-t-on, est-ce donc là un phénomène particulier à la France ? Est-ce que l’Europe tout entière ne vit pas dans des conditions à peu près semblables ?

L’Angleterre elle-même, avec ses traditions puissantes et sa robuste constitution, n’est point à l’abri des difficultés extérieures qu’elles s’est créées par sa politique en Égypte et des propagandes de meurtre qui menacent sa sûreté. L’Allemagne, gonflée de succès, a ses agitations sociales, ses embarras économiques, et M. de Bismarck, quelque confiance qu’il ait dans sa propre force, dans son ascendant, ne laisse pas d’être quelquefois déconcerté par des révolutionnaires qu’il contient sans les désarmer, par des problèmes qu’il remue impétueusement sans les résoudre. La Russie a ses troubles profonds, ses convulsions intimes, dont elle ne se délivrera pas sûrement avec des édita contre les Polonais, comme celui qu’elle vient de tirer de l’arsenal des vieilles guerres. L’Autriche n’est pas si tranquille qu’elle ne se croie obligée de chercher sa sauvegarde dans de nouvelles lois répressives contre les excitations anarchiques et les organisateurs de complots. — Il est vrai, toutes les nations ont leurs malaises sociaux, leurs embarras, et, par quelque côté, elles ont leur rôle dans cette phase obscure, laborieuse, où le monde contemporain est engagé ; mais le mal des autres ne guérit pas notre mal : il ne l’explique même pas entièrement, et si la crise qui éprouve la France aujourd’hui tient à des causes universelles, à un certain état du monde, à un courant général, elle est positivement aussi en grande partie la suite d’une politique qui a eu le temps de se manifester sous toutes ses formes, d’avoir tous ses effets ; elle est la conséquence des idées fausses, des passions de secte, des entraînemens de parti qui ont compromis les finances, laissé s’aggraver la situation industrielle, mis le trouble dans nos affaires militaires, et qui n’ont trouvé, pour les arrêter ou les contenir, que des gouvernemens plus préoccupés de vivre par des concessions ou des expédiens que de suivre une politique de raison prévoyante. C’est là le mal qui aurait pu être évité.

On le voit encore à l’heure qu’il est, par toutes ces questions qui s’agitent dans le parlement depuis que la session s’est rouverte. On a commencé, il y a un mois, par une rapide et vaine escarmouche sur les affaires du Tonkin. On discute en ce moment sur la question industrielle et agricole, sur une augmentation du droit sur les blés