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d’entretien. Celles qu’on leur adjoindrait sur le même type n’auront pas de meilleur résultat. Nous savons que les champions de la navigation du Rhône avouent devant le sénat qu’ils n’avaient d’autre but que de peser sur les tarifs du chemin de fer, sans avoir la prétention de les remplacer en rien.

De même que le manufacturier doit savoir de temps à autre mettre au rebut, vendre au vieux fer ses engins démodés, de même nous devrions savoir, sinon abandonner nos canaux et nos rivières canalisées, tout au moins ne les compter qu’à leur valeur réelle dans notre bilan et, par-dessus tout, nous abstenir d’en augmenter le nombre.

Mais il est un autre abus contre lequel il est indispensable de se prononcer : l’exagération dans l’emploi des outils réputés les meilleurs. Le chemin de fer a détrôné les voies de navigation intérieure. Il ne s’ensuit nullement qu’on doive le prodiguer lui-même sans mesure dans tant de directions, déjà desservies par des lignes existantes, ou dans des régions qui, par leur stérilité et leur défaut de ressources naturelles, ne pourront jamais fournir un élément de trafic suffisant pour couvrir tout au moins les frais d’entretien et d’exploitation.

La même observation pourrait s’appliquer aux ports de mer dans lesquels viennent déboucher nos voies ferrées. Dans l’ancien état de choses, les transports par terre étant coûteux, chaque région intérieure tenait à avoir au plus près son petit port d’approvisionnement. De là l’existence d’un grand nombre de ports de mer dont beaucoup n’ont plus leur raison d’être et devraient être délaissés, tandis qu’on accumulerait au contraire sur quelques autres tous les perfectionnemens d’installation et d’outillage que l’industrie pourrait réclamer. Agir autrement, vouloir se raidir contre les faits, protéger également tous nos établissemens maritimes, les multiplier même au besoin, serait imiter une manufacturier qui, après avoir élevé une grande et belle usine, bien installée et bien outillée, voudrait à toute force conserver ses anciens locaux et les entretenir à grands frais lorsqu’ils ne pourraient plus lui être d’aucune utilité.

Il ne suffit donc pas de poser en principe la nécessité des travaux publics. Il faut savoir arrêter le programme de ceux qui peuvent réellement rendre des services utiles, accroître la fortune publique ; et, encore une fois, ceux qui s’exécutent sont loin d’avoir tous ce caractère.

La routine est toute-puissante dans ce monde, où bien des gens sont comme les chevaux du cirque. Rétifs aux premiers exercices, une fois l’habitude prise de tourner dans un cercle, ils n’en savent