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Pour l’irrigation spéciale des vignes, telle que je l’ai définie, la question est toute différente. L’observation démontre en effet que, aux époques de plus grande sécheresse, une tranche d’eau pluviale de 0m, 10 de hauteur suffit pour imbiber le sol, pour produire ce que, dans le langage local, on appelle une saison complète, faisant pénétrer l’humidité à une profondeur de 0m, 50 au moins, nécessaire au développement des racines de la vigne.

Une irrigation de la vigne exigera donc au maximum 1,000 mètres cubes d’eau par hectare. Une irrigation de prairie n’en demande sans doute pas davantage ; mais elle doit être renouvelée tous les huit ou dix jours pour lutter contre l’évaporation superficielle. Pour la vigne, au contraire, l’irrigation devant être essentiellement souterraine, l’eau incorporée dans le sous-sol pouvant y être maintenue par le binage, par les labours répétés de la surface, un ou deux arrosages au plus suffiront pour combattre le phylloxéra et reconstituer les radicelles. Cette opération pourra dès lors se faire indistinctement pendant toute la saison où la végétation n’est pas interrompue, sept à huit mois tout au moins. Or, pendant cette période, un débit d’un litre par seconde fournira un volume de 20,000 mètres cubes et suffira par suite aux besoins de 10 à 20 hectares de vigne, suivant qu’il faudra recourir à un ou deux arrosages annuels.

On peut donc admettre en principe qu’une dérivation d’un débit uniforme pourra arroser au moins dix fois plus de vignes qu’elle ne pourra en submerger en hiver, qu’elle ne pourrait desservir de cultures fourragères en été.

On doit considérer en outre que, les irrigations ne devant pas, comme pour les prairies, se succéder à jour fixe et à de fréquens intervalles, mais pouvant être espacées, reportées de préférence à la saison du printemps, où nos petits cours d’eau à régime irrégulier sont en général largement approvisionnés, on pourrait utiliser pour la vigne bien des ressources intermittentes dont la culture fourragère ne saurait tirer parti. Envisageant la question à ce double point de vue, nous trouverions certainement dans nos rivières locales, principalement celles qui, comme le Gard, l’Hérault et l’Aude, prenant leur source dans des massifs montagneux assez élevés, sont relativement bien approvisionnées, une quantité d’eau suffisante pour desservir des dérivations d’une certaine importance ; mais ces irrigations restreintes ne sauraient jamais suffire aux besoins réels de tous les terrains cultivables, anciennement plantés en vignes ou susceptibles de l’être, qui, dans les seuls départemens du Gard et de l’Hérault, en y joignant l’arrondissement de Narbonne, atteignent certainement â00,000 hectares. De ce chef, il faudrait déjà 40 mètres cubes par seconde pour le seul service des vignobles. Comptant