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longue sécheresse extérieure. L’action stimulante produite sur la vigne sera d’autant plus rapide par ce procédé que l’on aura pu mettre en suspension dans l’eau courante les engrais qui devront contribuer avec elle à reconstituer promptement le chevelu des racines affaiblies par les piqûres de l’insecte.

Cette double opération d’arrosage et de fumure sera donc le complément nécessaire de l’emploi des insecticides ; et l’on voit que rien ne sera plus simple et plus logique que de continuer les deux actions au lieu de les alterner, de recourir à des irrigations portant tout à la fois le poison qui doit tuer l’insecte, l’eau et l’engrais qui doivent revivifier les racines. L’eau d’arrosage pénétrant également dans toutes les parties du sous-sol, si l’opération est bien conduite, est indiquée, en effet, comme le véhicule le plus naturel et le plus certain pour diffuser et répartir uniformément les substances solubles employées comme toxiques en même temps que l’engrais.

Théoriquement on pourrait employer par ce moyen un insecticide quelconque. Mais il résulte de toutes les expériences faites qu’il n’en est que deux, ou plutôt qu’un seul, le sulfure de carbone, qui soit à la fois efficace et économique. Le sulfo-carbonate de potassium, qu’on lui substitue parfois, n’a d’autre mérite que d’être plus soluble ; à quantité égale de substance toxique, il coûte dix fois plus cher. Le sulfure d’ailleurs est loin d’être insoluble. L’eau peut en dissoudre 1/500 de son poids. C’est beaucoup plus qu’il n’en faut par la méthode que j’indique ; 100 kilogrammes de sulfure dissous dans la quantité d’eau nécessaire pour arroser un hectare seront largement suffisans. Diffusés par l’arrosage dans une couche de terre de 0m, 50 d’épaisseur, ils pourraient par une volatilisation immédiate produire 30 mètres cubes de vapeur, en charger par suite l’atmosphère souterraine à raison de 3 pour 100 de son volume, beaucoup plus qu’il ne faut pour tuer le puceron, qui ne résiste pas à l’action de quelques millièmes de cette vapeur.

La combinaison de ces deux actions simultanées, l’insecticide et l’eau d’arrosage, me paraît donc devoir constituer la seule méthode logique et rationnelle de traitement des vignes phylloxérées. Mais quelle que soit à cet égard ma conviction théorique, des essais multipliés n’en seront pas moins nécessaires pour en démontrer l’efficacité pratique. Ceux que j’ai pu faire personnellement jusqu’à ce jour sont encore trop récens et trop peu nombreux pour que je croie utile d’en citer les résultats, si encourageans qu’ils me paraissent au début. Je m’abstiendrai donc d’entrer à ce sujet dans des détails qui ne seraient pas ici à leur place.

Ce qu’on ne saurait contester en tout cas, c’est que le traitement de la vigne, quel qu’il soit, ne doit plus avoir pour effet de modifier