Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces terrains récemment desséchés ayant été depuis lors complantés en vignes, leurs propriétaires ont pu tout à la fois se défendre contre le phylloxéra et développer la production de leurs vignobles, en recourant de temps à autre à une véritable irrigation souterraine, au moyen de leurs drains fonctionnant en sens inverse pour refouler l’eau des collecteurs dans le sous-sol.

Si je rappelle ces antécédens, c’est moins pour revendiquer une priorité d’idées dont je me suis toujours montré très peu soucieux, que pour citer un premier fait établissant les avantages de l’irrigation souterraine et les rapprocher des résultats obtenus dans une autre circonstance où ce même mode d’irrigation s’est trouvé accidentellement réalisé, mais dans des conditions moins favorables puisqu’elles ne dépendent plus exclusivement de la volonté des propriétaires comme à Narbonne.

Il existe sur la rive droite du petit Rhône, entre Beaucaire et Saint-Gilles, un canal d’irrigation de construction récente, embrassant un périmètre qui n’a pas moins de 15,000 hectares d’alluvions de bonne qualité, bien qu’elles soient parfois imprégnées de sel et qu’elles n’aient pas toujours des moyens suffisans d’égouttage et d’écoulement.

La situation de l’entreprise du canal d’irrigation de Beaucaire n’est pas brillante. Le syndicat qui s’en était chargé, ayant épuisé ses ressources sans avoir achevé ses travaux, a sollicité comme une faveur la mise sous séquestre ; et c’est en ce moment l’état qui a assumé la lourde charge de l’exploitation d’un canal qui coûte deux fois plus d’entretien qu’il ne rapporte.

Dans les prévisions de ceux qui en avaient pris l’initiative, la dérivation de Beaucaire devait surtout développer les cultures fourragères sur les bords du Rhône, et il est triste en même temps qu’instructif de constater que, après plus de dix ans de fonctionnement, elle n’a pas amené la création de 10 hectares de prairies nouvelles venant s’ajouter à celles qui existaient déjà, arrosées directement par les débordemens du fleuve en temps de crue. En revanche, les propriétaires riverains ont songé à utiliser les eaux de ce canal pour la submersion hivernale ; et, année moyenne, nous submergeons 4 à 500 hectares de vignes, ce qui est tout ce que peut desservir, de ce chef, un canal ayant une portée de 1,300 à 1,500 litres, tant est grande la perméabilité du sol sur lequel nous opérons.

Ayant eu, en 1883, occasion de visiter les vignes voisines du canal, en vue d’en choisir une sur laquelle je pourrais faire un essai de la méthode rationnelle de traitement antiphylloxérique dont je parlerai tout à l’heure, je ne fus pas peu surpris de constater que