agrandie, avec un territoire plus étendu, formé par la réunion de populations d’origine diverse, mais parvenues à un degré de fusion suffisant pour ne plus se distinguer les uns des autres et pour concourir à un but commun. Plus le degré de fusion entre les élémens constitutifs, entre les différentes races réunies et mêlées dans l’organisme d’un même état est avancé, plus la composition de cet état ou de cet organisme présente d’homogénéité et de force, plus l’unité nationale, une fois réalisée, offre de garanties pour l’avenir. Cela explique la rigueur et la ténacité déployées en Allemagne pour imposer l’usage de la langue allemande sur tout le territoire de l’empire, en Alsace-Lorraine et dans le Sleswig danois, comme aux Lettons et aux Wendes. La tradition prussienne vise à créer une nation unie et forte. Afin de s’assurer la force et l’unité nécessaires à tout état soucieux de sa durée, le gouvernement impérial oblige ses sujets à se servir tous de la même langue dans les actes publics, en même temps que le droit d’empire, devenu droit commun pour toute l’Allemagne, se substitue à la législation propre des anciens états particuliers. Sans doute, l’usage d’une langue commune ne suffit pas pour faire une nation puissante. Mais la communauté de langage devient un lien et un instrument d’unification très efficace, dût son action se borner à faciliter l’entente entre les populations soumises au même pouvoir. Voyez l’Autriche et la Turquie, deux empires également composés de races hétérogènes, dont chacune conserve sa langue propre, avec son administration à elle. Tous deux marchent à un démembrement certain, ni l’un ni l’autre n’ayant réussi à transformer les peuples réunis sous une domination commune en une vraie nation autrichienne ou turque. En Turquie, les sujets turcs, slaves, grecs, arméniens, kurdes, syriens, arabes, sont maintenant encore aussi distincts qu’au temps de la conquête. Dans l’empire d’Autriche, les Hongrois, les Tchèques, les Polonais, pour ne pas en dire autant des Croates et des Ruthènes, tendent à la sécession, sous l’effet de l’autonomie administrative et du langage particulariste, au grand préjudice du pouvoir central. Déjà la légende biblique de la tour de Babel nous a appris comment la confusion des langues conduit à la dispersion.
Aucune nation moderne ne peut élever la prétention de représenter une race pure, en tant que la pureté exprime la communauté d’origine. Pareilles aux grands fleuves formés par le mélange des eaux d’affluens nombreux et divers, les plus nobles entre les nations résultent de croisemens multiples. Dans ces mélanges compliqués, les traits distinctifs des peuples fondus ensemble par les événemens s’effacent et disparaissent comme les caractères propres aux métaux d’un alliage ou aux élémens d’une combinaison chimique, mais pour prendre, après le mélange, des traits et des caractères