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cles. En fait, l’histoire littéraire de l’Allemagne remonte à Ottfrid, qui vécut au Ⅷe siècle et dont les écrits, dans l’idiome franc, sont le plus ancien monument du haut-allemand, antérieur à l’épopée nationale des Nibelungen et aux poèmes des Minnesänger, lesquels ont vu le jour dans l’idiome allemannique. Le dialecte franc et le dialecte allemannique, que le peuple continue à parler sous leur forme primitive, dans la Franconie et la Hesse, sur les bords du Rhin moyen et sur les versans de la Forêt-Noire, sont les sources principales du haut-allemand littéraire adopté par les classes lettrées de la société dans toutes les parties de l’Allemagne.

Les dialectes populaires encore en usage présentent des différences graduelles d’une province à l’autre, de manière à se distinguer nettement pour des provinces éloignées. On les partage habituellement en deux groupes principaux : le haut-allemand et le bas-allemand, auxquels les classificateurs méthodiques ajoutent la division intermédiaire de l’allemand moyen, par la considération qu’entre les extrêmes, il doit y avoir un milieu. Chacun de ces groupes se subdivise d’ailleurs à l’infini, suivant les modifications des parlers locaux, mais sans délimitation bien fixe. Des nuances insensibles, de simples changemens de prononciation conduisent de l’un à l’autre, s’accentuant davantage en raison des distances, et sans dépendre absolument des limites naturelles formées par les montagnes ou les cours d’eau. Bien souvent, les particularités propres à un dialecte apparaissent ou se retrouvent à l’état erratique au milieu de populations éloignées parlant un dialecte bien durèrent. C’est un effet de colonies anciennes ou récentes, tout comme la présence des roches erratiques atteste l’extension de glaciers maintenant disparus sur un terrain distant de leur lieu d’origine. Je me souviens ainsi d’avoir entendu parler le dialecte franc dans le duché de Posen, le tyrolien chez les habitans de Ruhla, en Thuringe. Le domaine du haut-allemand touche les territoires de langue slave, près les bouches de la Regen, s’approche du Danube aux environs de Ratisbonne, embrasse la Wernitz de Donauwerth à Oettingen, le Kocher au nord de Hall, le Neckar au sud de Heilbronn, le Rhin au sud de Rastadt, pour atteindre la langue française autour des sources de la Sarre, en Lorraine.

Tandis que les dialectes haut-allemands se renferment dans ces limites des territoires élevés de l’Allemagne supérieure, autour des montagnes, les dialectes bas-allemands s’étendent depuis le débouché des fleuves au bord de la mer, à travers la zone des pays bas, jusqu’au Habichtswald, limite de la Franconie et de la Saxe, suivant une ligne plus ou moins sinueuse, à partir de la petite ville française de Montjoie, dont les points extrêmes, vers le sud, sont