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tion nationale des populations d’origine diverse qui vivent sous leur domination. Polonais, Wendes, Lithuaniens, Tchèques, Danois, Français sont tous également tenus, en qualité de sujets allemands, d’apprendre la langue allemande à l’école, au même titre que les Allemands de race, et, dans tout le ressort de l’empire, la langue allemande est seule valable pour les actes publics comme dans les rapports officiels de tous les services de l’administration en Allemagne. Lors d’une récente réunion.de savans, le professeur Virchow en est venu au point de demander que l’éducation de la jeunesse soit réglée et dirigée de telle façon que tous les Allemands, à l’avenir, acquièrent une même manière de voir et de penser.

Que si nous demandons combien d’Allemands vivent en Europe hors du ressort actuel de l’empire, les derniers recensemens indiquent un total de 20 à 22 millions d’individus en agglomération compacte, soit moitié autant que la population propre de l’Allemagne, tandis que, pour tout l’empire, le nombre des sujets allemands de langue étrangère n’atteint pas la proportion d’un dixième. A entendre les philologues, le domaine des langues germaniques s’étend bien au-delà des limites de l’empire, même en y faisant entrer la Hollande et les Flandres. Grimm comprend dans son groupe des langues west-germaniques les Anglo-Saxons et tous les Scandinaves : Danois, Suédois et Norvégiens, avec les Hollandais, les Frisons, les Allemands purs. Le haut-allemand littéraire, Hoch-deutsch, langue officielle de l’Autriche et de la Suisse comme de l’Allemagne, employé dans les actes publics, compris partout et accepté à ce titre par les états dont est sortie l’Allemagne unifiée de nos jours, longtemps avant la reconstitution de l’empire nouveau, ne sert nulle part de langue usuelle à la masse du peuple. C’est une langue de pure convention, issue du croisement, et par une sorte de sélection, des dialectes parlés au milieu des différentes populations d’origine germanique, mais qui a emprunté ses traits caractéristiques aux idiomes des parties élevées du territoire. Déjà, avant la réformation, la chancellerie saxonne l’avait introduite à la cour de « tous les princes et rois en Allemagne. » Pour cette raison, Luther l’appelle la langue de l’empire allemand, deutsche Reichssprache, intelligible à tout le monde, aussi bien « pour les habitans du pays bas que pour ceux du pays haut. » Par cette raison, le grand réformateur choisit le haut-allemand pour sa traduction de la Bible. Sous son influence, la langue dite de l’empire se substitue à tous les dialectes particuliers dans l’usage des églises, des écoles, des tribunaux, des salons. Depuis 1621, on n’a plus imprimé de Bible en dialecte bas-allemand. Aucun dialecte n’offre une littérature d’une richesse comparable à celle du haut-allemand moderne, formé par les écrivains éminens des trois derniers siè-