Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Allemagne unifiée d’aujourd’hui comptaient ensemble 24 millions d’habitans. Ils pourront en avoir 170 millions vers la fin du siècle prochain, avec une densité de 315 individus par kilomètre carré, contre 84 en 1880, sans agrandissement territorial. Comparé aux étonnans progrès de l’empire allemand, le mouvement de la population, en France, reste à peu près stationnaire, atteignant à peine le total de 37,321,186 individus lors du recensement de 1881 contre 32,569,223 en 1831, accusant une augmentation annuelle de 0,2 pour 100 seulement dans l’intervalle des deux derniers relevés quinquennaux, c’est-à-dire de six à sept fois inférieur à l’accroissement numérique des Allemands. Fait grave, redoutable problème, bien digne de fixer l’attention, non-seulement des statisticiens, mais surtout des hommes d’état soucieux de l’avenir de leur patrie et capables de comprendre que cesser d’avancer, c’est, pour une nation, demeurer en arrière, et laisser passer la prépondérance politique aux mains de races plus vigoureuses.

Croissant en nombre, la population de l’empire allemand verra encore grandir davantage sa puissance comme nation. L’œuvre de l’unité nationale, désormais irrévocable, quoique soumise à des intermittences, marche vers son achèvement d’un pas sûr. Sa réalisation définitive, garantie par une politique invariable, persévérante, énergique, qui a conscience de sa force et ne perd pas de vue le but visé, exige, pour être complète, le concours, dans une action commune, de tous les peuples de langue allemande. Aussi bien les générations successives répètent et se transmettent, comme mot d’ordre ou comme cri de ralliement, la strophe inspirée du chant d’Arndt, que la patrie de l’Allemand, étendue aussi loin que résonne la langue allemande, doit être l’Allemagne entière :

Das ganze Deutschland soll es sein !

L’Allemagne entière, ainsi comprise, embrasse la Hollande et les Flandres, la Suisse jusqu’au Gothard, le Tyrol et les anciennes provinces de l’Autriche, plus les enclaves nécessaires pour l’acquisition de limites géographiques naturelles. Dans l’atlas classique de Stieler, la carte politique de l’Allemagne, en date de 1860, englobe l’état autrichien avec la Hollande et la Belgique. Tous y voyez figurer l’état autrichien, Osterreichischer Staat, au rang de l’état prussien, Preussischer Staat, comme simples parties de l’ensemble, à titre égal. D’un autre côté, tandis qu’en Autriche, le gouvernement favorise par sa faiblesse le travail de décomposition déterminé par la lutte des nationalités, les hommes d’état de la Prusse s’appliquent avec une rigueur implacable à effacer les différences de races existantes, afin de consolider par tous les moyens l’unifica-