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professe avec applaudissement, » de Saint-Germer à Évreux, « où la parole de Dieu fait dans sa bouche une fortune prodigieuse, » d’Evreux aux Blancs-Manteaux, et des Blancs-Manteaux à Saint-Germain-des-Prés, où, pour que la louange même de l’érudition ne manque pas à sa gloire, on lui fait composer, lui tout seul, un volume entier du Gallia christiana. J’aimerais autant que l’on attribuât à l’auteur de Gil Blas un volume du recueil des Historiens de la France.

Rien de tout cela n’est impossible, mais rien de tout cela n’est prouvé. Le biographe peut avoir dit vrai, mais, s’étant trompé sur bien des points, je crains que ceux qui l’ont suivi ne l’aient plus d’une fois copié trop fidèlement. On oublie en effet que deux autres Prévost ont vécu contemporains de l’auteur de Manon Lescaut, j’entends deux hommes d’église, et presque deux hommes de lettres : l’un, Pierre-Robert, de 1675 à 1735, chanoine de Chartres, prédicateur en renom ; et l’autre, de 1693 à 1752, Claude Prévost, chanoine de Sainte-Geneviève, érudit bien connu et apprécié des bénédictins, qui le citent justement comme un de leurs auteurs dans le Gallia christiana (tome VII, col. 699). Dans notre siècle même, on a si souvent brouillé les trois dames de Bouillers, par exemple : duchesse, marquise et comtesse ; ou encore les trois Rousseau : Jean-Baptiste, Jean-Jacques et Pierre, qu’il n’y aurait rien d’étonnant si l’on avait fait une confusion de la même nature entre les trois Prévost. Et j’en pourrais bien trouver un quatrième au besoin, quand ce ne serait que ce libraire de Londres, — Nicolas de son prénom, — que le consciencieux auteur de la Littérature française à l’étranger a pris jadis pour notre abbé. Je n’ose pas non plus m’expliquer sur ce « bref de translation » dont il est dit deux mots dans la supplique des supérieurs de Saint-Maur. On raconte à ce propos que Prévost avait sollicité sa translation de la congrégation de Saint-Maur à celle de Cluny, moins sévère, que la cour de Rome la lui avait accordée, que l’évêque d’Amiens allait la « fulminer, » et que le pénitencier du diocèse, alléguant les désordres et la frivolité connue du requérant, en avait arrêté les effets. Il faudrait du moins convenir qu’en ce cas Prévost aurait joué de malheur, puisqu’en quittant Saint-Germain-des-Prés, ce fut précisément chez ce pénitencier, « M. d’Ergny, son parent, » qu’il eut l’idée tout d’abord d’aller chercher un refuge, et même qu’il donna son adresse à ses anciens supérieurs.

A quelque danger que pût être exposé, vers 1728, un moine fugitif, « la sottise sur le grand-duc de Toscane, » que les bénédictins avaient bien voulu signaler à l’attention du lieutenant de police, contribua sans doute autant que leur propre supplique à lui