d’une grande partie de l’armée le rendait plus douteux encore, les optimistes comme le général Clauzel s’attachaient, pour remonter les courages, aux moindres indices, quand ils n’étaient pas trop défavorables. Le 9 février, les curieux qui venaient chaque jour assister aux embarquemens et aux débarquemens, furent tout ébahis en voyant descendre à terre, avec les troisièmes bataillons des régimens qui devaient rester en Afrique, environ trois cents individus familièrement désignés sous le nom de Parisiens ou d’industriels, et décorés des costumes les plus étranges ; c’était une vraie mascarade. Pour habiller cette cohue où tous les âges étaient représentés depuis seize ans jusqu’à soixante et plus, il semblait qu’on eût vidé tous les vieux fonds de magasin de la guerre depuis quarante ans et récolté toute la friperie militaire du Temple ; garde nationale de 1780, garde impériale, garde royale, gardes d’honneur, gardes du corps, garde suisse, infanterie, cavalerie, artillerie de toutes les époques, tous les uniformes qui avaient brillé dans l’épopée militaire et politique de la France étaient là, sur le quai, dans une mêlée grotesque ; puis tous ces figurant qui auraient fait merveille dans un cirque, drapeau en tête, tambour battant, chantant la Parisienne, entrèrent par la porte de la Marine, défilèrent dans Bab-Azoun et s’en allèrent peupler les masures de Moustafa-Pacha.
Qu’était-ce que cette avant-garde ? Car on annonçait de pareils et prochains arrivages. C’étaient, en grande partie, des combattans de juillet qu’un aventurier belge, nommé Lacroix, qui s’était attribué le titre de baron de Boëgard et le grade de lieutenant-général, avait réunis d’abord sous le nom de volontaires de la charte. Quand l’ordre eut commencé à se rétablir, le premier soin du gouvernement fut de licencier ce rassemblement dangereux et coûteux. Alors, le soi-disant général Lacroix fit annoncer à sa bande qu’elle trouverait à Orléans et à Montargis des bureaux d’enrôlement destinés à recruter des colons pour l’Afrique. Indépendamment des héros de barricade, une foule d’ouvriers sans travail et de vagabonds qui n’en cherchaient pas, affluèrent. On les dirigeait par détachemens, avec des officiers de leur choix, sur Toulon ; là, ils signaient un acte d’engagement collectif et on les embarquait pour Alger. Quelle était la valeur de cet acte ? Beaucoup étaient venus pour être colons, comme on leur avait dit, non pour être soldats ; beaucoup, par leur âge ou par leurs infirmités, étaient impropres au service militaire. Ce qu’il y avait de pire dans le nombre, c’étaient les officiers. « On fera quelque chose d’une partie des soldats, écrivait un sagace observateur de l’état-major ; le reste n’est bon à rien ; les officiers, pour la plupart, sont au-dessous de rien. Le plus