Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/783

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’épargner la peine d’en porter le poids écrasant : ce ne sont plus ce que l’on appelait autrefois des armes à l’épreuve.

« Les armes à feu, écrivait Montaigne, sont de si peu d’effet, sauf l’étonnement des oreilles, qu’on en quittera l’usage. » Ce n’était point là l’opinion de Machiavel, encore moins celle de Brantôme ou de Strozzi. L’incertitude du tir explique cependant jusqu’à un certain point la boutade de Montaigne ; mais le tir peu à peu se rectifie, l’arme elle-même de jour en jour se perfectionne. Le canon à main n’a plus besoin, quand on veut ajuster l’ennemi, d’être posé, comme je l’ai encore vu en Chine, sur l’épaule d’un goujat : on en a redressé la crosse, garnie maintenant d’une plaque découche ; l’arquebuse est devenue mousquet : pour la mettre en joue, on l’épaule. Autre progrès bien plus sensible encore : au début, on enflammait la charge par l’approche d’un boute-feu sur l’amorce. « La mèche, dit l’Arioste, touche un soupirail presque invisible aussi délicatement que le fer du chirurgien touche la veine quand il opère une saignée. » La mèche, ou serpentin, sera désormais enroulée à un chien qui, par un mouvement de bascule, l’abattra brusquement sur la platine. L’arquebuse à rouet d’acier succédera, — si tant est qu’elle leur soit postérieure, — à l’arquebuse et au mousquet à mèche ; elle fera place elle-même, en l’année 1630, au fusil. Il faut enfin se rendre à l’évidence : la poudre a définitivement gagné son procès. Seulement elle y a mis le temps, près de trois siècles.

L’artillerie d’une galère du XVIIe siècle, — c’est de cette époque que datent les renseignemens vraiment précis, — consistait en cinq canons et douze pierriers : « Le plus gros de ces canons, dit le capitaine Barras de La Penne, est de 36 livres de balles : on le nomme canon de coursie ou coursier, parce qu’il est généralement placé dans la coursie entre l’arbre de mestre et la rambade. » Ce poste n’était pourtant assigné au coursier que pendant la navigation ; quand il fallait combattre, on se hâtait de traîner le canon de 36, — le grand exterminateur, — jusque sur l’avant, à toucher le joug de proue et le tambouret. Les autres pièces s’appelaient les unes des bâtardes, les autres des moyennes. La bâtarde était un canon du calibre de 8 livres de balles ; la moyenne appartenait au calibre de 6. On mettait une bâtarde et une moyenne côte à côte à chaque conille.

L’armement des galéasses égalait presque celui des galions, autrement dit des vaisseaux de haut-bord. Il se composait de soixante-douze pièces d’artillerie. Cette artillerie comprenait, il est vrai, des bouches à feu de tous les calibres. Les grosses pièces se plaçaient à la proue et à la poupe : le canon de coursie portait généralement de 50 à 80 livres de balles. Deux autres canons de moindre calibre étaient placés de chaque côté du coursier. En somme, dix