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trois fois coupée, entre la Ferme et la place. Dans ces occasions, c’étaient les zouaves du commandant Maumet qui étaient assaillis avec le plus de fureur : leur conduite, leur courage, leur sang-froid, furent au-dessus de tout éloge ; ils eurent un de leurs capitaines tué, deux officiers blessés, soixante hommes hors de combat. Le 20e et le 28e en avaient soixante-six, dont trois officiers atteints grièvement. Dans la soirée, le colonel Marion fit faire le compte des cartouches ; il n’en restait plus qu’une trentaine par homme ; les gens de Médéa en réclamaient, il n’était pas possible de leur en donner. Le commandant Delannoy, abandonnant les dehors, se renferma dans les bâtimens de la Ferme. Le 29, les meilleurs tireurs, placés aux créneaux et ne faisant feu qu’à coup sûr, suffirent à repousser et à tenir à distance les Kabyles, beaucoup moins nombreux que la veille et découragés évidemment par l’inutilité de leurs attaques. Une forte pluie qui survint acheva de leur conseiller la retraite. Ces hommes, qui ne reçoivent ni solde, ni munitions, ni vivres, capables, à un moment donné, d’un grand effort, sont hors d’état de tenir plus de quatre ou cinq jours la campagne. C’est une loi très simple, très naturelle, une loi générale, une loi constante, que les guerres d’Afrique n’ont pas cessé de vérifier. Si parfois certaines agglomérations d’indigènes ont paru tenir plus longtemps, c’est que de nouveaux contingens étaient venus combler le vide qu’avait fait le départ des autres. Le 30 novembre, après une vaine démonstration des Kabyles du côté de l’aqueduc, ils s’éloignèrent ; le lendemain, les derniers avaient disparu. Il était difficile d’apprécier leurs pertes, qui avaient dû être grandes ; celles de la garnison française étaient de vingt-sept tués, dont trois officiers, et de cent soixante-cinq blessés ; les gens de la ville comptaient treize blessés et six morts.

Lorsque la nouvelle de ces graves événemens fut arrivée au général Clauzel, il décida de renforcer la garnison de Médéa. Une division fut organisée sous le commandement du général Boyer, en deux brigades, sous les ordres des généraux Achard et Duzer ; l’infanterie comptait neuf bataillons français et un demi-bataillon de zouaves, la cavalerie cent chasseurs et l’artillerie une batterie de campagne. Chaque homme emportait quatre-vingts cartouches et trois jours de vivres dans le sac ; six autres jours étaient chargés sur les prolonges du train ; la cavalerie s’était approvisionnée de fourrage pour neuf jours ; les caissons de l’artillerie contenaient une réserve de deux cent cinquante mille cartouches ; les mulets de l’intendance étaient chargés de barils de vin et d’eau-de-vie ; enfin le trésor envoyait un payeur avec une forte somme d’argent comptant. Le général Danlion, nommé gouverneur de Médéa,