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par Gordon. Ainsi les Anglais communiqueraient déjà avec Khartoum ; ils sont maîtres d’une lie du Nil, où ils se sont établis. Ils ne sont pas sans doute encore au bout de leurs épreuves, ils peuvent avoir plus d’un combat à soutenir contre ces soldats du mahdi qui se battent énergiquement. Ils semblent du moins à peu près maîtres de la situation, et ils ont déjà assez fait en peu de jours pour montrer ce que peuvent des hommes intrépides, vaillamment conduits, — pour exciter l’émotion patriotique de l’Angleterre.

Qu’est-ce donc cependant que la vie contemporaine ? Tandis que le gouvernement d’une grande nation est occupé des plus sérieuses affaires et que des soldats meurent héroïquement au loin pour l’honneur de leur pays, il peut se trouver quelques obscurs criminels capables de semer la mort et l’épouvante, dans une cité populeuse et industrieuse. Il n’y a que quelques jours, en pleine capitale de l’Angleterre, aux deux extrémités de la ville, trois explosions de dynamite se sont presque simultanément produites, l’une à la vieille Tour de Londres, cette grande ruine historique respectée de tous les Anglais, les deux autres au palais de Westminster, jusque dans la salle des séances de la chambre des communes. Par une sorte de raffinement de barbarie, les auteurs de cet attentat avaient choisi le jour où les édifices public de Londres reçoivent un assez grand nombre de visiteurs inoffensifs, attirés par une simple curiosité, et ce n’est que par le plus heureux des hasards que les monumens seuls ont été endommagés, qu’il n’y a eu que peu de victimes humaines. Si on cherche le mobile de tels crimes, il est assez difficile à trouver ou à préciser : ce ne peut être évidemment que la passion de la destruction pour la destruction, du meurtre pour le meurtre, l’horrible besoin de répandre la terreur dans une ville, sans s’inquiéter du nombre et du nom de ceux qu’on voue à la mort. Et qu’on le remarque bien, ces attentats semblent n’être plus un simple accident, un acte de fanatisme isolé en Angleterre ; ils se reproduisent avec une redoutable persistance Depuis quelques années, il y a eu une série d’explosions dans les stations de chemins de fer, sous le pont de Londres, dans Saint-James square, sur le chemin de fer métropolitain. Vainement, le parlement a voté, il y a deux ans, un bill sur les matières explosibles : toutes les mesures ont été jusqu’ici impuissantes, et de plus il est à peu près invariable que les auteurs de ces attentats restent inconnus. On accuse toujours les conspirateurs irlandais : il est vrai qu’ils crient assez haut leur haine contre l’Angleterre pour qu’on puisse les soupçonner de ne reculer devant aucune extrémité. Dans tous les cas, de tels crimes restent un triste signe du temps, fait pour attirer l’attention des gouvernemens, qui ne sont que trop autorisés à chercher des moyens de défense.

Ils y sont déjà fort disposés, et ce qu’il y a justement de curieux