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trouble quelquefois les fêtes les mieux préparées et qui peut déranger le programme.

Qu’en est-il pour le moment, cependant, de cette première manifestation électorale qui vient d’ouvrir l’année, et qu’en peut-on augurer pour l’avenir, pour la fixité et le jeu des institutions, pour la direction de la politique de la France ? Ce n’est ici évidemment qu’un préliminaire assez vague, un signe peu décisif de l’état des esprits et des opinions, d’autant plus que le soin qu’on a mis à diriger ou à préparer le vote par des artifices de législation, par des déplacemens calculés d’influences, par un remaniement arbitraire de l’électorat sénatorial, était fait pour obscurcir ou atténuer d’avance la signification de cette première manifestation. Telles qu’elles sont toutefois, ces élections sénatoriales du 25 janvier gardent encore leur prix. Elles montrent à travers tout une certaine tendance dominante, des dispositions d’opinion et peut-être, au fond, une assez grande fatigue déguisée sous de l’indécision t elles ont leurs traits généraux et elles ont aussi leurs excentricités, leurs bizarreries. Une des plus curieuses excentricités de ce dernier scrutin du 25 janvier, c’est assurément l’élection sénatoriale de Paris, de la ville reine, qui, depuis trop longtemps s’est attribué le privilège de donner, par ses choix, des énigmes à déchiffrer au pays tout entier et à l’Europe.

On finira bientôt par ne plus s’y reconnaître. Paris, qui avait un sénateur à nommer, avait à choisir en ire deux ou trois candidats offerts à ses suffrages. L’un, M. Spuller, sans être une notoriété de premier ordre, n’est pas non plus un inconnu ; ce n’est pas surtout, on en conviendra, un réactionnaire. C’est un des chefs de la majorité républicaine dans le parlement, un esprit laborieux, un peu massif, traînant un assez lourd bagage de banalités démocratiques et anticléricales, mais ayant assez de bon sens pour comprendre que la stabilité est un bien, même sous la république, et qu’il y a des conditions de gouvernement dont aucun régime ne se passe impunément. Ce qu’il pense sur la nécessité de ne pas tout livrer à l’aventure, il l’a dit non sans courage. Chose étrange, M. Spuller était un modéré à Paris ! L’autre candidat était un radical suffisamment obscur, qui n’avait d’autre titre que de souscrire des deux mains au programme savamment libellé des revendications nouvelles : révision intégrale de la constitution par une assemblée constituante, suppression du sénat, subordination du pouvoir exécutif, séparation de l’état et de l’église, élection de la magistrature, émancipation de Paris, décentralisation communale, mandat impératif, etc. Quel est le nom de ce personnage consulaire aspirant au mandat sénatorial pour supprimer le sénat et bien d’autres choses encore ? Peu importe, il a l’étiquette du programme démocratique le plus perfectionné. Entre ces candidats, c’est