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garnison de Blida avait eu de rudes combats à soutenir, et le détachement de canonniers avait dû rencontrer beaucoup d’obstacles sur son chemin. Trois compagnies du 21e l’avaient escorté bien au-delà de Blida ; comme on apercevait un grand nombre d’Arabes dans la plaine, le commandant de l’escorte avait engagé le capitaine Esnaut à se replier avec lui sur la ferme, mais l’officier d’artillerie s’y était absolument refusé ; tandis qu’il prenait le trot avec ses hommes, dont les uns n’avaient que leurs sabres, les autres des mousquetons, l’infanterie, qui venait de faire demi-tour, était assaillie par une avalanche de cavaliers ; il avait fallu former le carré plus d’une fois, et, en fin de compte, battre en retraite sur Blida en attendant la nuit pour regagner la ferme. Ces nouvelles tombèrent comme une goutte d’eau froide sur le cerveau bouillant du général Clauzel ; à l’instant même, il dépêcha au général Duzer l’ordre d’évacuer le col et de rejoindre l’armée. Le 27, de grand matin, on prit le chemin de Blida. A 2 kilomètres environ de la ville, on aperçut l’ennemi, la gauche couverte par le lit encaissé de l’Oued-el-Kébir, la droite, surtout formée de cavalerie, en partie dissimulée par les broussailles de la plaine. Le général Clauzel le fit attaquer aussitôt ; mais la charge était commencée à peine que les cavaliers arabes avaient déjà tourné bride et que les fantassins avaient disparu, qui dans les fourrés, qui dans le ravin. En entrant dans Blida, le plus affreux spectacle glaça les survenans d’horreur : des flaques de sang coagulé remplissaient les ruisseaux ; les rues étaient jonchées, les maisons remplies de cadavres ; partout les marques d’une lutte impitoyable. Voici ce qui s’était passé.

Dès le 20 novembre, le colonel Rullière avait arrêté ses dispositions défensives ; la porte d’Alger s’ouvrait sous une voûte qui supportait la grande salle d’une mosquée dont le colonel avait fait un hôpital ; les deux compagnies de grenadiers du 34e et du 25e en avaient la garde ; les autres portes et les minarets étaient gardés par des détachemens. Le 21, la journée avait été assez calme ; le 22, des Kabyles étaient venus attaquer en avant de la porte d’Alger une maison qu’occupait une compagnie du 35e. Le 23, le 24, le 25, il n’y avait rien eu d’extraordinaire, si ce n’est le dernier jour, beaucoup de mouvement dans la ville. Des trouées faites dans le mur extérieur, qui était en pisé, avaient livré passage à beaucoup de Kabyles qui se tenaient cachés dans les maisons. Le 20, dès la pointe du jour, on vit des bandes nombreuses descendre de l’Atlas et d’autres arriver par la plaine ; celles-ci appartenaient aux contingens amenés par Benzamoun des montagnes qui ferment à l’est la Métidja. La porte du côté des hauteurs fut la première attaquée ; mais presque en même temps le détachement qui la défendait se