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indiquant les noms, âge, sexe, état civil et profession de l’aliéné qui lui est confié. Le registre est un véritable « compteur de rondes, » pour employer un terme technique : c’est-à-dire que chaque fois qu’un médecin, ou inspecteur, ou garde de section visite l’aliéné, soit pour le soigner, soit pour s’assurer de l’exécution des règlemens administratifs, il signe son nom sur ce registre. C’est sur ce même registre encore que le médecin inscrit ses prescriptions en cas de maladie, c’est enfin lui qui sert de compte-courant au nourricier, en mentionnant les paiemens qui ont été faits successivement.

Le nourricier assume une grande responsabilité, avons-nous dit. En effet, il répond de tous les dégâts et dommages que son aliéné pourrait commettre ; il est, de concert avec les gardes de section, responsable de l’évasion des malades qui lui sont confiés. Quand il pense qu’un de ceux-ci a l’idée de s’évader, il prévient le comité ; celui-ci fait surveiller le malade de près. Mais souvent ce dernier ne manifeste pas son désir à l’avance. Dès qu’on s’aperçoit de l’évasion, on en prévient le bourgmestre et le garde de section, ainsi que le secrétaire-receveur de la colonie, qui prennent les mesures nécessaires pour reconquérir l’évadé. Les frais occasionnés par l’évasion d’un aliéné, et qui sont fixés à 0 fr. 75 par 5 kilomètres, sont, pour les trois quarts, à la charge du nourricier et, pour le dernier quart, à la charge du garde de section. Si l’aliéné est chez un hôte, c’est l’hôte qui supporte seul les frais de reprise. Il est juste de dire que les cas d’évasion sont beaucoup plus rares qu’on ne croirait : à Gheel, l’aliéné sent trop peu la contrainte pour avoir un bien vif désir de s’y soustraire. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet.

Aucun nourricier ou hôte n’a le droit d’user envers un malade d’un moyen de contrainte quelconque ; la camisole de force et autres moyens de coercition ne peuvent être prescrits que par les médecins. Tout nourricier qui se livrerait à un acte de violence ou de contrainte est passible soit d’une amende, soit du retrait de son autorisation, soit encore, dans les cas graves, de poursuites devant les tribunaux. Si un aliéné devient furieux, le nourricier a le droit, pour se sauvegarder, de le maintenir, mais c’est tout. Le médecin seul prescrit les moyens de coercition habituellement employés, depuis les douches jusqu’au régime cellulaire, régime qui du reste ne peut être employé qu’à l’infirmerie. Il est des cas où un certain degré de contrainte est employé. Ainsi, le docteur Peeters cite une aliénée qui cherche sans cesse à s’évader : on a dû restreindre ses mouvemens au moyen d’une lanière qu’elle porte aux jambes. Deux pensionnaires sont munis de gants de cuir pour les empêcher de