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malheureux, en arrivant à Gheel, étaient logés dans une dépendance encore existante de l’église, dit M. le docteur Peeters, dans ce qu’on nommait en flamand de ziekenkamer, la chambre des malades, peut-être parfois dans l’église même. Ils y demeuraient neuf jours, durant lesquels ils assistaient à des cérémonies religieuses, à des prières destinées à obtenir leur guérison par l’intercession de la vierge martyre. Quelquefois ils faisaient une seconde neuvaine à l’église. Mais souvent, ni la première neuvaine ni la suivante n’amenaient de résultats sensibles. Certes il était dur de les renvoyer sans soulagement ; mais d’autres aliénés étaient là qui attendaient leur départ pour prendre leur place. Plutôt que de les renvoyer, on les confiait alors à une famille qui se chargeait de les amener chaque jour aux cérémonies célébrées à leur intention.

Il fut d’usage de concentrer les aliénés dans les familles logées au voisinage immédiat de l’église de Sainte-Dymphne, ou tout au moins sur le territoire dépendant de cette église. Quand, en 1646, une femme, ayant jusque-là habité sur le territoire relevant de l’église, s’avisa de déménager avec ses aliénés et d’aller occuper une maison relevant d’une autre paroisse, les chanoines de Sainte-Dymphne protestèrent, regardant la chose comme un abus. L’affluence des aliénés fut bientôt telle qu’ils envahirent non-seulement le territoire de Gheel tout entier, mais encore les hameaux avoisinans, ainsi que cela existe aujourd’hui. Insensiblement, le service de la charité publique dut s’organiser, et ce serait une histoire intéressante à retracer que celle des lentes transformations dont la colonie de Gheel fut le théâtre ; mais les documens précis nous manquent.

Le plus ancien des documens qui nous soient connus, relatifs à la réglementation de Gheel, a été cité par M. le docteur Parigot, autrefois inspecteur de Gheel. Ce document date du 16 février 1676. En voici la teneur intégrale : « Le bailli et les échevins ordonnent que tous ceux qui hébergent des fous ou des sots lieront ceux-ci des pieds et des mains, de telle sorte qu’ils ne puissent nuire à personne, et qu’ils les empêcheront d’entrer dans l’église paroissiale de Saint-Amand, sous peine d’une amende de 6 florins. »

En 1747, le bailli et les échevins constatent que la surveillance des fous laisse à désirer, qu’ils errent en liberté, vont même jusqu’à causer des accidens aux habitans de Gheel ou à se noyer eux-mêmes. Ils ordonnent, le 6 mai 1747, « que tout fou ou sot retenu par des entraves n’entre pas dans l’église de Saint-Amand ou de Sainte-Dymphne sans être accompagné de son nourricier qu’aucun aliéné ne sera plus entravé ou lié sans connaissance préalable et permission du révérend doyen collégial pour ceux qui seront placés à l’infirmerie attachée à l’église de Sainte-Dymphne, et pour tous