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grève des fermiers. Le personnel fait défaut ; il faut chercher à en conserver les restes et à le reconstituer. Voilà pourquoi les Anglais ont cru devoir voter cette sorte de loi agraire qui donne aux fermiers le droit d’exiger le remboursement d’une partie des améliorations qu’ils ont faites pendant la durée de leur bail, les unes avec, les autres sans le consentement du propriétaire. Je doute qu’une telle loi puisse être admise en France et je ne la crois pas nécessaire chez nous. Il suffirait que le remboursement des améliorations devint facultatif, comme l’avait fait le premier agricultural holdings act, voté par le parlement anglais en 1875.

Mais il faudrait que la durée des baux devînt plus longue et ne fût pas réduite à neuf ans pour les propriétés des mineurs et des femmes mariées par les articles 481, 595, 1718, 1429 et 1430 de notre code civil. Il faudrait, en général, que les contrats ne fussent pas copiés par les notaires sur des modèles qui datent du commencement du siècle et qui contiennent des restrictions contraires à tous les progrès et même à toutes les nécessités de la culture moderne. Peut-être la rareté des fermiers engagera-t-elle à adopter des réformes que les esprits éclairés réclamaient depuis longtemps, mais auxquelles les propriétaires ne tenaient point, parce qu’ils espéraient, malgré la routine, voir leurs revenus augmenter à chaque renouvellement de bail.

Pour les pays de métayage, il y aurait lieu de modifier les dispositions surannées de notre code sur le cheptel et de les remplacer par la liberté du contrat. Quant aux contrées où la propriété est morcelée et enchevêtrée à l’extrême, comme dans le Nord-Est de la France, ce qui leur importe le plus, c’est la diminution des droits de mutation et, si possible, une loi spéciale pour faciliter l’échange et la réunion des parcelles. Pour le Midi, il faut la réforme de la législation sur les eaux, qui sacrifie les besoins de l’agriculture à ceux de la navigation et qui n’a plus sa raison d’être depuis que la vapeur peut se charger des transports, tandis que, pour la végétation, rien ne peut remplacer l’eau. Partout il faudra des capitaux ; mais on ne prête, dit-on, qu’aux riches, et l’agriculture est bien pauvre aujourd’hui. Il est difficile de sortir de ce cercle vicieux. Cependant, pour le crédit comme pour toutes choses, le cultivateur n’est pas considéré par la loi comme l’égal du commerçant et de l’industriel. On lui demande d’agir en majeur et on le traite en mineur. Le sénat a repoussé la réforme qui lui était proposée pour mettre sur le même pied les engagemens des agriculteurs et ceux des commerçans et pour réduire, comme vient de le faire le parlement anglais, le privilège des propriétaires ; mais la question n’est qu’ajournée.

Partout il faut l’instruction agricole et, comme on pourrait