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confond avec la propriété ; par conséquent, l’augmentation de produit brut et l’allégement des charges profiteraient à tous deux à la fois. Dans le système du métayage, l’augmentation du prix du blé et de la viande se partagera par moitié entre le propriétaire et le métayer ; dans certaines contrées, c’est le propriétaire qui paie l’impôt, dans d’autres, — et je crois qu’elles sont les plus nombreuses, — c’est le métayer qui le paie. Il y aura, par suite des réformes proposées, avantage pour les deux parties, tantôt plus pour l’une, tantôt plus pour l’autre. Mais, quand la terre est cultivée par un fermier, il faut distinguer entre l’agriculteur et le propriétaire : l’augmentation du produit brut ne profitera au premier que pour la durée du bail courant ; il en sera de même pour le dégrèvement de l’impôt, si celui-ci est à sa charge ; mais, le bail une fois arrivé à son terme, le propriétaire seul recueillera ce double bénéfice. Ainsi, dans les contrées où le fermage à prix d’argent est en usage général, comme dans une partie du nord de la France et dans toute l’Angleterre, les droits protecteurs et les dégrèvemens d’impôt sont avantageux principalement pour les propriétaires, ce qui ne veut pas dire qu’il faille les leur refuser, car ils ont droit à l’égalité comme tous les autres citoyens.

Mais, en France, les propriétaires qui cultivent eux-mêmes leurs terres et les métayers sont trois à quatre fois plus nombreux que les fermiers. On a donc eu tort de dire que les plaintes sur la crise actuelle viennent uniquement des grands propriétaires qui voudraient accroître leurs revenus ou plutôt retrouver leurs anciens revenus en faisant payer le pain et la viande plus cher aux ouvriers. J’ai eu soin de montrer que, dans certains départemens, les intérêts de l’agriculture et ceux de la propriété sont malheureusement en désaccord, mais, dans la plus grande partie de notre pays, ils se confondent. Tâchons donc de leur donner, à l’une et à l’autre, ce qui est juste et ce qui est possible.

Mais ces réformes n’empêcheront pas un fait très important de se produire : la rente de la terre tend à perdre, par suite du perfectionnement des moyens de transport en dehors de la France, une partie de la plus-value qu’elle avait acquise pendant les cinquante dernières années, par suite du perfectionnement des moyens de transport à l’intérieur de notre pays et des progrès de tous genres qui avaient été faits dans l’industrie et l’agriculture. Nous employons ordinairement le mot de rente dans le même sens que celui de revenu ou produit net, mais la rente de la terre, qui a donné lieu à de si nombreuses discussions entre les économistes, a des caractères particuliers ; la terre ne peut pas s’entasser comme la monnaie dans un coffre-fort ou comme les machines dans des bâtimens à plusieurs étages ; elle ne produit qu’en raison de sa surface, du