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Les traités de commerce nous lient, les uns jusqu’en 1891, les autres jusqu’en 1892, et les seuls produits agricoles qui n’y sont pas mentionnés, c’est-à-dire, sur lesquels nous sommes libres d’établir des droits, sont les céréales, les farines et le bétail sur pied. Le gouvernement propose un droit de 2 fr. 60 par quintal de blé, ce qui, au prix actuel de 21 francs, représente environ 12 pour 100. Le droit de 25 francs qui est proposé pour les bœufs équivaut à 6 ou 7 pour 100, celui de 3 fr. sur les moutons à environ 11 pour 100. Cela ferait une moyenne de 10 pour 100 qui, certes, n’a rien d’exagéré comparativement aux droits protecteurs dont jouissent les produits des usines et des manufactures. Mais il faut encore se rappeler que les laines, le lin, le chanvre, les peaux, les suifs, les graines oléagineuses, les bois, etc., ont été déclarés exempts, et, si l’on fait la moyenne de tous les produits agricoles, on trouve que les droits proposés ne dépassent pas 5 à 6 pour 100. On peut les considérer comme des droits purement fiscaux. Il est vrai qu’ils seront plus ou moins utiles aux cultivateurs, suivant les spécialités de leurs fermes, et l’honorable député, rapporteur de la commission des droits de douane, s’est appuyé là-dessus pour repousser les droits sur le bétail. Les éleveurs n’en ont pas besoin, dit-il, parce qu’ils font de la viande et que la viande augmente de plus en plus de valeur. Mais les fermes tout entières en prés ou herbages sont rares ; la règle la plus générale, en agriculture, est d’avoir, au contraire, la production des céréales et celles du bétail réunies dans la même exploitation et s’appuyant l’une l’autre. Encourager l’élevage du bétail, c’est, comme l’a fort bien dit M. Méline, encourager indirectement et faciliter la culture du blé, parce que les fumiers qu’il fournit augmentent le rendement de ce blé. D’ailleurs, les bœufs ont tous de la peau et du suif, les moutons ont de la laine, et ces produits accessoires, ce que les bouchers appellent le cinquième quartier, sont loin d’avoir augmenté de prix comme la viande. Doser la protection accordée à telle spécialité agricole ou à telle autre, suivant la mesure de ses besoins, serait plus difficile encore que pour les différentes industries, et, si nous considérons les droits comme fiscaux, ils doivent, d’après la formule de Bastiat, peser sur tous et profiter à tous.

Pour chercher à rétablir l’égalité entre l’agriculture et l’industrie, ou du moins entre la fortune immobilière et la fortune mobilière au point de vue des impôts qu’elles paient, les agriculteurs demandent que les ressources acquises au trésor, par les droits d’entrée nouveaux, soient employées, si possible, aux dégrèvemens qui leur ont été promis depuis longtemps.

Quand le propriétaire cultive lui-même sa terre, l’agriculture se