Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/553

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comptant ensuite provoquer la hausse en Europe et réaliser ainsi de beaux profits. Mais leurs calculs furent trompés à la fois par l’arrivée des blés indiens, que des maisons rivales purent amener à Londres dans des conditions de bon marché imprévues, et par l’abondance des récoltes qui se produisit à la fois des deux côtés de l’Atlantique ; le stock qu’elles avaient nuis en réserve vint se joindre, en 1884, aux nouveaux approvisionnemens, pour faire descendre les prix à-un taux presque aussi bas qu’en 1850. Or, 25 hectolitres à 15 francs ne font que 375 francs par hectare. Un si maigre produit laisse le cultivateur en perte de 30 à 80 francs par hectare de blé. Jusqu’en 1883, la valeur du bétail avait augmenté, mais cette augmentation était insuffisante pour compenser la perte faite sur le blé dans les assolemens de quatre ou cinq ans, qui sont usités dans l’est de l’Angleterre, et qu’on est forcé d’y conserver pour une partie des terres, parce que les herbages n’y réussiraient pas. Du reste, depuis 1884, cette hausse du bétail s’est arrêtée. On prétend qu’aujourd’hui la perte faite par les fermiers anglais s’élève à 4 milliards, presque la moitié du capital de 9 milliards qu’ils possédaient. Beaucoup d’entre eux ne peuvent pas ou ne veulent pas renouveler leurs baux. Ils renoncent à une carrière dans laquelle ils ne voient plus aucun espoir de succès, ou ils s’en vont en Amérique se joindre aux concurrens qui les ont ruinés. Quelques-uns emportent un reste de capital ; d’autres sont commandités, comme les éleveurs de moutons de l’Australie, par des banquiers de la cité, qui les aident à constituer dans les états du Nord-Ouest ou en Californie ces bonanza farms, ces fermes de 20,000 ou 30,000 hectares où les machines les plus ingénieuses labourent, sèment, moissonnent, battent sur place, mettent en sacs, conduisent à la gare voisine, élèvent dans un grenier ou chargent sur les wagons du chemin de fer d’immenses quantités de blé. Il se forme également des compagnies par actions pour l’élevage du bétail dans le Texas, l’Arkansas, le Dakota, etc., et quelques-unes de ces compagnies ont donné, en 1883, des dividendes de 15 à 20 pour 100. Les propriétaires et les capitalistes cherchent à trouver dans les bénéfices que leur donnent ces entreprises américaines des compensations pour, les pertes qu’ils font sur leur patrimoine. En Angleterre, ils ont de la peine à trouver des fermiers ; ils sont obligés de leur accorder de fortes réductions de loyer ; et, non-seulement le prix des propriétés rurales a beaucoup baissé depuis 1878, mais elles ne trouvent d’acheteurs à aucun prix (agricultural land is practically unsaleable). Les herbages seuls conservent jusqu’à présent leur ancienne valeur, et heureusement ils couvrent de grandes étendues, presque la moitié du sol productif. D’après le tableau dressé par les collecteurs de l’impôt sur le revenu, celui de la propriété