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dépeupler, sans leur donner un peu de ces masses d’eau que le Rhône débite au milieu d’eux et va jeter à la mer. Voilà des pays qui souffrent ! Voilà, une agriculture que l’on devrait à tout prix sauver de la ruine !

Mais le département qui a le plus perdu depuis 1851, c’est celui des Hautes-Alpes. La valeur vénale de la terre y a diminué de 20 pour 100. Y a-t-il lieu de s’en étonner ? « La terre fuit de toutes parts, » a dit M. Surrell, entraînée par les pluies d’orage que rien n’arrête sur ces montagnes déboisées. Voilà encore une région qui souffre ! C’est l’héritage d’un passé lointain, et le travail de reconstitution est commencé depuis peu.

Dans le Jura, le Doubs, la Haute-Saône, les Vosges, en général dans tout le nord-est de la France, l’augmentation a été très faible (5 à 6 pour 100) ; les propriétés y étaient depuis longtemps très morcelées, très chères et très souvent changées d’hypothèques. L’Aube est restée stationnaire et la Haute-Marne est un des départemens où l’évaluation de 1879 est plus faible que celle de 1851. Autrefois de nombreuses forges y donnaient de la valeur aux bois, mais aujourd’hui elles disparaissent peu à peu, réduites à l’inaction par la concurrence du fer à la houille ; les grandes usines ont tué les petites. Mais, tandis que le prix de la terre est en baisse, la production agricole est en progrès dans la Haute-Marne, et c’est un exemple que nous devons retenir.

En nous rapprochant de Paris, nous trouvons les départemens de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise. Leurs grandes fermes eurent longtemps, comme les maraîchers des environs de la capitale, le monopole de son marché pour les denrées volumineuses et difficiles à transporter : foins, paille, légumes, lait, etc. Le réseau des voies ferrées a agrandi son cercle d’approvisionnement, et le nivellement des prix tend à faire perdre aux terres les plus rapprochées du centre tout ce que gagnent les plus éloignées, mais l’accroissement de la population a suffisamment compensé les effets de cette concurrence pour que la valeur des terres ait encore pu augmenter de 4 à 7 pour 100.

« Si j’avais à désigner la plus heureuse partie de la France, a dit Léonce de Lavergne en 1860, je n’hésiterais pas, je désignerais la Normandie. » La Normandie est-elle moins heureuse qu’en 1860 ? On pourrait le croire en voyant sa population diminuer. La nouvelle évaluation du territoire agricole faite en 1879 n’en constate pas moins une augmentation dans le prix des terres : 38 pour 100 dans la Seine-Tnférieure, 30 pour 100 dans l’Orne, 28 pour 100 dans la Manche, 25 pour 100 dans le Calvados et à pour 100 dans l’Eure, Mais distinguons. Les quatre premiers départemens ont des herbages dont la valeur, toujours croissante